LES FEMMES DANS LE JAZZ : AU DELÀ DE LA REPRÉSENTATION

Publié le 2019-11-12
Temps de lecture : 2 min.
Les Allumés du Jazz
LES FEMMES DANS LE JAZZ : AU DELÀ DE LA REPRÉSENTATION
Les Allumés du Jazz

 llustration Journal des Allumés N°3

Lil Hardin Armstrong fut moins célèbre que le mari auquel elle a emprunté le nom. Elle n’en demeure pas moins l’une de ces personnalités essentielles à l’histoire du jazz, histoire parsemée certes de repères étoilés, mais dont le tissu actif est tramé par autant d’hommes et de femmes que les listes réductrices (de plus en plus à l’œuvre de la réduction) relèguent aux marges, lorsque ce n’est pas à l’oubli. On pourrait bien sûr citer Lovie Austin, Mary Lou Williams ou Dorothy Ashby parmi tant d’autres musiciennes à l’apport primordial, femmes noires se frayant hardiment le chemin de leur nécessaire expression dans un monde dominé par les hommes, un monde d’hommes lui-même dominé par la discrimination raciale. Ce monde-là montra bien peu d’attention envers ces talentueuses musiciennes, une attitude qui perdure. En revanche, il se trouva plein d’égards pour les chanteuses, certes non moins talentueuses, attribuant à cette spécialité une place bien définie, celle de la représentation des femmes, comme au cinéma. Jusqu’à la fin de sa vie la chanteuse et pianiste Nina Simone exprima son regret de n’avoir pu avoir la carrière de pianiste classique qu’elle souhaitait, l’obstacle principal à ce devenir contrarié, plus que le sexe, fut la couleur de peau.

Les discriminations, xénophobes, misogynes, homophobes, sociales, 
religieuses doivent être combattues vivement et il est plus que triste de voir qu’elles ont souvent été reconduites dans un monde musical se targuant de liberté. 

Des prises de conscience récentes relatives à la condition féminine, qui sont en réalité le résultat de luttes féministes et sociales au long cours, pendant plusieurs décennies, sinon plusieurs siècles, donnent lieu à de nombreuses prises de paroles suivies d’effets, à un infléchissement des attitudes, mais aussi parfois à un précipité de « bonnes intentions » qui pourraient ne devenir qu’un masque bien pratique dans une société où les inégalités portent sur tant de facteurs.
 
Ce n’est donc pas la représentation des femmes qui nous occupe, mais bien leur existence. Une certaine mise en scène pratique de cette représentation aurait tôt fait d’engloutir la finalité réelle des relations des êtres, leur liberté, dans une trop adaptée ostentation. Il ne s’agit donc pas d’un rapide partage du pouvoir qui ne concernerait que quelques personnes choisies pour la construction d’une image agréable, mais bien plus généralement de changement en profondeur dans ces relations de pouvoir, ces relations au pouvoir.

Comment peut-on promouvoir la parité homme femme lorsque le business du 
jazz, rejoint bien souvent par l’institution, ne s’intéresse qu’à une poignée d’individus triés sur le volet ? Que la parité intervienne principalement dans cette poignée ne changera rien au problème. Comment peut-on imaginer une meilleure répartition des rôles, des tâches et des plaisirs lorsqu’existe une telle disparité des salaires dans les festivals (souvent subventionnés) ? Et là, quand les gros salaires de celles que la presse spécialisée se plaît à nommer les « divas du jazz » rejoignent ou dépassent ceux des stars masculines assermentées, de quelle mise en scène s’agit-il ?

Modestement, les Allumés du Jazz (qui comptent des femmes directrices de labels dans leurs fondations) ont toujours été attentifs à ces questions. On notera que la première couverture photographique du journal Les Allumés du Jazz fut consacrée à deux musiciennes et la suivante à un musicien d’origine algérienne. Préoccupation que l’on retrouve au travers d’interviews, d’articles autant que dans les choix des illustrateurs qui comptent de nombreuses illustratrices. Et l’on peut mieux faire, non pas en se focalisant sur des quotas représentatifs, mais bien en élargissant l’idée que les musiques dites libres doivent l’être pour tout le monde. On sait par exemple combien l’homosexualité reste un tabou dans le monde du jazz et l’on se souvient de la souffrance qu’ont dû endurer certains musiciens qui ne le cachaient plus.

Les prochaines rencontres des Allumés du Jazz feront état de ces préoccupations, de ces actions. 

On ne se contentera donc pas de représentation, mais bien de la nécessaire possibilité d’expression pour tous les êtres qui le désirent avec une égalité de traitement, ou plutôt une attention devrions-nous dire qui conduira à l’abolition des listes réductrices.

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