N° 6 Les aventures de Stéphane en Amérique Body and soul

Publié le 2011-10-14
Temps de lecture : 2 min.
Les Allumés du Jazz
N° 6 Les aventures de Stéphane en Amérique   Body and soul
Les Allumés du Jazz

Je ne comprends pas pourquoi Brian Wilson est devenu fou en écoutant le Sgt Pepper's Lonely Hearts Club Band, et cette énigme a constitué la principale source de mes réflexions hier soir, tandis que j'écoutais le disque au coin du feu, dans cette maison d'Eddy dans laquelle je me sens parfaitement bien.
J'avais eu une journée assez rude, et les spéculations autour de cet album des Beatles que j'ai trouvé d'occasion à NYC pour 1$ (sans parler des quelques verres de vodka que je me suis généreusement octroyés) m'aidaient à oublier certains évènements marquants de la journée qui m'ont littéralement traumatisé.
En bref, j'ai voulu découvrir un peu les "Grands Espaces" américains, et pour ce faire je suis allé me balader dans les Catskills, cette petite chaîne montagneuse située à 20 minutes du Parlor, l'excellent Tea House de Hudson d'où j'écris en ce moment. J'ai pris une route tortueuse fort sympathique, suis arrivé à un lac au bord duquel j'ai garé la bagnole, puis suis parti à pieds afin de me fondre dans le paysage.
Ah oui !
Entre les ténèbres de Joseph Conrad et Into the Wild, j'ai cru me perdre à jamais, corps et âme.
Pour atteindre le sommet de la montagne j'ai commencé par longer un large promontoire rocheux, difficile d'accès et ne comportant aucune signalisation, moyennant quoi, au bout d'un certain temps j'ai tenté le raccourci au feeling, genre "c'est forcément par là", ce qui m'a conduit à arpenter de sombres pinèdes, sans autre objectif que de m'extraire de leur obscurité. A l'angoisse existentielle qui me taraudait s'est ainsi ajoutée une autre plus concrète : celle de mourir dans les bois à, style, trois kilomètres de la première station service.
J'ai commencé à parler tout seul et à voix haute, ce qui peut être bon parfois mais en cette circonstance, ne l'était pas. J'étais seul, véritablement isolé et en proie à un vertige atroce, strict reflet de mon état psychique : celui d'être égaré pour toujours et de jouir de cette terreur, d'une certaine manière.
La confusion mentale, l'absence de confiance en moi, la façon spectaculaire que j'ai de me projeter dans un monde hostile, désertique et surtout dénué d'amour avaient complètement perturbé mon sens du discernement et de l'orientation.
Ainsi, j'ai systématiquement fait les mauvais choix, et nonobstant quelques oiseaux et écureuils, ainsi qu'une grosse chose grise qui devait être une sorte de renard, je n'ai lors de mon errance rien croisé d'autre que des arbres, des arbres, des arbres. Au bout d'un moment je suis arrivé enfin sur les berges d'un lac ; bon, c'était celles de South Lake, tandis que j'étais à la recherche de North Lake, mais c'était déjà pas mal.
Je n'avais plus qu'à le contourner par la rive est (pinèdes, pinèdes, pinèdes), et j'ai fini par retrouver la voiture, exténué.
Puis, sur la route du retour, je me suis arrêté dans le supermarché Price Chopper du coin pour acheter de quoi boire et manger.
Et je crois que c'est au rayon bouffe mexicaine que j'ai compris à quel point j'étais inadapté à la vie et que, merde, ça suffisait comme ça, mais que re-merde, comment faire pour me sortir de cette hébétude existentielle ?
Et pourquoi l'opus des Beatles a à ce point déstabilisé B. Wilson ?
J'en suis encore à me poser la question...

Stéphane

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