La requête de l'espace
« L’espace est un doute : il me faut sans cesse le marquer, le désigner ; il n’est jamais à moi, il ne m’est jamais donné, il faut que j’en fasse la conquête. »
Pour Pérec, la permanence conditionne l'épreuve de l'espace ; inversement, nos musiciens tirent de l'espace un lieu. L'espace leur est donné ; le lieu à inventer. Physiquement, pas de musique sans espace, condition de propagation des ondes. Sur le plan organologique, trois instruments génèrent trois espaces distincts dont la fusion n'est qu'une option. Pas d'instrument sans histoire, enfin, dimension supplémentaire qui creuse un arrière-plan que révèlent le coup porté d'une mailloche sur la surface tendue d'une timbale ancienne, l'écho réveillé d'une trompe sur les pentes, la frappe d'une corde étouffée, son crissement sous le crin. Autant d'histoires, autant d' « espèces d'espaces » qu'il n'est nullement question de s'approprier, mais de confronter, de mettre en commun ; pas tant non plus d'orienter, d'explorer plutôt, en suivant la trajectoire des événements qu'on y a suscités. En outre, l'espace, c'est, mieux que du temps : de la durée. Tout n'y est que surgissement, maintien précaire, disparition. Tout l'art est de délicatesse. Apprivoiser n'est pas dompter, sinon séduire.
Philippe ALEN