USUAL CONFUSION (Ref. LBLC 6560)

On a souvent souligné le lyrisme romantique de Joachim Kühn. Mais, si exprimer ses sentiments les plus profonds était bel et bien son intention, force serait de conclure que ce pianiste virtuose, figure emblématique du free jazz européen, est fou. Un jeu si complexe, qui change à chaque phrase, nie ce qu’il avance, innove sans cesse à force de tout déconstruire, témoigne bien plutôt d’une constante tentative de se déprendre de soi-même. « Créer » est le seul mot d’ordre de ce poète du chaos. N.T.

Il est allemand, parle anglais et réside en Espagne: "ma vie est celle d'un bohémien sans maison, toute I'année je fais des concerts aux quatre coins du globe". A cinquante ans, Joachim Kühn est l'un des pianistes de jazz les plus sollicités. Né "dans la musique" qu'il a apprise à lire avant l'alphabet, (il dormait dans la même chambre que son frère qui écoutait Benny Goodman à longueur de journée), il étudie non seulement le piano mais aussi la théorie, I'histoire de la musique et la composition avec Arthur Schmidt Elsey de 1949 à 1961. " Je crois qu'à l'âge de neuf ans, j'avais décidé que je serais musicien de jazz. Pour être un bon jazzman, un bon improvisateur, c'est similaire à de nombreux métiers, il faut tout étudier, puis tout oublier."
Il donne son premier concert classique (Schumann) à l'âge de cinq ans et bon nombre d'autres jusqu'en 1961, date à laquelle il devient jazzman professionnel. La crinière au vent, les yeux fixés sur les quatre-vingt-huit touches de son clavier, il déverse un torrent de notes d'un lyrisme et d'une inspiration égale. Sa grande maîtrise technique, sa virtuosité, évoquent Litz, et le chant intérieur, la densité, ramènent à Coltrane. " John Coltrane est incontestablement le musicien qui m'a le plus influencé, il m'a appris à être individualiste et à toujours avancer dans la musique. C'est un des musiciens les plus importants de tous les temps."
De 1962 à 1966 il dirige son propre trio, de 1966 à 1969, il co-dirige un quartet avec son frère à Hambourg, puis son propre groupe à Paris de 1969 à 1971. II fait partie de la formation de Jean-Luc Ponty (Experience) de 1971 à 1972, puis s'associe pour un an avec le tromboniste suédois Eje Thelin. Dès lors, il effectue des tournées en Asie, Afrique du Nord, Portugal et Espagne. A partir de 1974, il participe aux plus grands festivals internationaux et les séances d'enregistrement (plus de deux cents disques à ce jour) succèdent aux nombreuses tournées de façon constante.
Au cours des années 80, installé en France, il s'adonne à la composition, tout en prenant part à des tournées, notamment au sein du trio qu'il a formé avec Daniel Humair et Jean-François Jenny Clark. Cet artiste qui, au témoignage de ses confrères et amis, ne vit que pour et par la musique, est d'abord - bien qu'il ait pratiqué du saxophone alto - un superbe pianiste, ayant su se doter d'une vaste technique, qu'à l'instar de Martial Solal, son ami, il ne cesse de parfaire... Il séjourne dans presque tous les climats de la musique occidentale classique, jazz et free jazz, rock, avant-garde et contemporain: "J'aime toutes les sortes de musique, je ne fais pas de différence entre les genres et les styles; la musique est la musique... Il y a la bonne et la mauvaise. Je continue à m'investir dans tous les types de musique. Jeune, je jouais du be-bop, puis dans les années soixante, du free, dans les années soixante-dix de la fusion. Au travers de toutes ces évolutions, le plus important est de trouver son style."