LES LABELS FACE AU CONFINEMENT

Publié le 2020-04-18
Temps de lecture : 21 min.
Les Allumés du Jazz
LES LABELS FACE AU CONFINEMENT
Les Allumés du Jazz

Nous avons demandé  à l'ensemble des labels dont nous avons les coordonnées quelles sont leurs actions - réactions face à l’impossibilité de vendre des enregistrements « physiques" et du fait de ne pouvoir les présenter, ni les vendre en concert :

Voici les réponses au 18/04/2020 :
GRRR, VENT DU SUD, IMR, CAMILLE PRODUCTIONS, LA BUISSONNE, ROGUE ART, IGLOO Records , OUCH Records, NOWLANDS/ un label TAC., AYLER Records, QUOI DE NEUF DOCTEUR, LINOLEUM, IN SITU, L'1CONSOLABLE, LABEL ARFI

GRRR
Le label GRRR a anticipé la crise puisqu’en diversifiant les supports depuis 2010, en particulier avec la mise en ligne de 82 albums / 1064 pièces / 157 heures d’inédits, mp3 gratuits en écoute et téléchargement, nous restons actifs sur Internet, à défaut de pouvoir envoyer ou vendre nos disques. Quarante parmi eux et parmi les vinyles et CD sont aussi disponibles sur Bandcamp au format AIFF, mais il nous est impossible de les envoyer physiquement.

La Poste retient évidemment tous les albums qui m’ont été envoyés par les autres labels depuis 3 semaines et que je ne pourrai donc pas chroniquer sur drame.org/blog et Mediapart avant perpète. Je crains que le confinement ne dure au moins jusqu’à début juin et j’ai besoin de l’objet pour arriver à écrire. 

Perspectives du XXIIe siècle, mon nouvel album, devait sortir le 7 mai sur le label du MEG (Musée d’ethnographie de Genève) en coproduction avec GRRR, mais je ne sais pas du tout quel planning nous allons choisir. La responsable de la collection, Madeleine Leclair, évoque le 21 juin. Qui sait ce que nous réserve l’avenir ?

Donc pas vraiment de conséquence dramatique due à la crise sanitaire. Je continue à travailler dans mon studio comme les autres jours. Personnellement, étant au régime de la retraite après avoir été pendant 42 ans à celui des intermittents du spectacle sans discontinuer, cela ne change pas grand chose sauf pour les concerts évidemment annulés. C’est vraiment triste, mais tous les festivals de l’été seront très certainement interdits.
Le merdier existait avant et cela ne va pas s’arranger. Je suis plus inquiet d’un point de vue citoyen qu’en tant qu’artiste ou musicien.
Notre gouvernement de mafieux à la solde des banques risque de saisir cette opportunité pour accentuer la dérive policière et la casse sociale. 
Jean Jacques Birgé - Site label

ROGUE ART
Les baisses des ventes en direct sur notre site, très nettes, ont débuté début février, donc bien avant le confinement généralisé et alors que seule une partie de la Chine venait d’être « enfermée » chez elle. Nous n’aurons une idée de la baisse globale des ventes que lorsque nous aurons un retour de nos distributeurs ; ce ne sera pas avant l’été, voire à l’automne. S’ajouterons à cela les concerts ou festivals supprimés lors desquels nous aurions pu vendre.

Nous avions prévu de sortir quatre albums d’ici le mois de juin, en lien avec des concerts ou des festivals ; ce sera donc pour plus tard.

Le confinement est l’occasion pour Amazon de se gaver et sans doute aux plateformes de streaming de s’imposer (encore plus) comme les principaux diffuseurs de musiques. Nous savons combien ces entreprises, purement commerciales, sont nuisibles aux musiciens et musiques que nous défendons et portons ; si de (mauvaises) habitudes sont prises, cela va faire beaucoup de mal (encore plus…) à toute la chaine des indépendants : musiciens d’abord, disquaires, distributeurs et bien sûr nous labels également.

RogueArt a essayé de s’adapter au confinement, même si nous avons conscience qu’il ne s’agit que d’un pis-aller. Nous n’avons pas voulu fermer la boutique en ligne de notre site, malgré l’impossibilité ou presque d’envoyer des albums physiques en ce moment. Nous proposons donc à ceux qui nous commandent de leur envoyer immédiatement une version digitale de l’album, sachant que nous leur enverrons le ou les albums achetés dès que ce sera possible.

Par ailleurs, tous les trois jours, nous proposons l’écoute en ligne d’un album complet parmi nos productions. Nous avons commencé le 27 mars et nous en sommes au quatrième album diffusé ce cette façon. Il s’agit essentiellement d’essayer de maintenir le contact avec ceux qui s’intéressent à ce que l’on propose.

Il est clair cependant que l’activité ne reprendra réellement que lorsque les disquaires pourront rouvrir et les concerts reprendre. Quand ?

Si la crise sanitaire est bien réelle avec des conséquences évidemment dramatiques, c’est aussi et surtout le symptôme d’une crise beaucoup plus profonde, celle d’un système économique délétère. S’il n’y a pas une prise de conscience généralisée de ce que représentent réellement les moments que nous vivons aujourd’hui, les conséquences pour les musiciens et pour nous labels indépendants, risquent d’être malheureusement durables. Et aussi pour beaucoup d’autres…
Michel Dorbon - Site du label

VENT DU SUD
Nous avions  prévu une sortie de disque à cette période, j’attend que ça passe et nous le reporterons à l’automne .
Les conséquences financières sont minimes pour le moment mais le manque de concerts nous pénalise pour la vente des disques . 
Nous ne savons pas quand les musiques vivantes que nous défendons reverront le jour sur scène ? C’est la que je me sens réellement triste pour l’avenir .
Je pense que notre musique est une bonne réponse, une réelle possibilité de changer ce monde impossible pour tant de gens,  nous ne voulons pas être riches, célèbres, champions : nous voulons seulement échanger, aimer et protéger notre monde.
J’ai vécu le plus clair de ma vie dans un monde où il n’y avait pas de sida, pas de taux explosif de chômage, pas de délocalisations massives, pas de réchauffement climatique, pas de peuple d’exclus dans les rues, pas de réfugiés noyés, et et bien sur pas de virus …
Si j’avais 20 ou 30 ans aujourd’hui, face à cette réalité, «  être en colère » serait poli.  (...)
Denis Fournier

IMR

J'ai décidé de mettre quelques disques,qui n'y étaient pas, en téléchargement (payant) le temps du confinement.
Je n'en attends pas grand chose car tout le monde sait qu'en matière de ventes  virtuelles le rappport est extremement faible (voire insignifiant).
C'est surtout dans mon esprit une manière de garder le contact avec le public, une façon de pouvoir tout de même communiquer sur les disques, en particulier les plus récemment sortis.
A l'heure où l'on découvre les ravages causés par l'exploitation des métaux rares, à mettre en parallèle avec ce que nous vivons actuellement, il serait malvenu de proposer nos disques en streaming...
Le téléchargement, même passé de mode, me semble une solution - provisoire - pour faire face à l'impossibilité de diffuser nos créations musicales sur scène ou sur disque.
Bruno Tocanne - Site du label 

CAMILLE PRODUCTIONS
J'ai déjà quelques albums sur des plateformes mais les chiffres sont très faibles.
Le streaming ne rapporte quasiment rien et les achats de titres ou albums complets entre 50 et 70 euros par an pour trois albums sur 26 plateformes dans le monde!! 
C'est très peu et sans grand intérêt pour la musique que je produis.
Ma stratégie est de continuer à vendre de façon traditionnelle (ventes physiques directes et via mon distributeur physique  pour la France) en essayant de trouver des débouchés à l'export sur des marchés porteurs (Japon, Corée du sud, Grande Bretagne...).
J'ai déjà réalisé quelques ventes au japon, mais c'est assez erratique.
 J'ai signé en janvier un accord de licence (ventes physiques et digitales) pour la Grande-Bretagne et j'aurai les premiers chiffres dans 1 ou 2 mois. J'ai également un distributeur pour la Suisse depuis 2 ans mais les chiffres sont faibles et en baisse.
Voilà, c'est très difficile !!
Michel Stochicht - Site du label

LA BUISSONNE
Pour le Label La Buissonne, nous avions 2 sorties prévues sur Mai et Juin et Trois autres sorties sur Septembre, Octobre et Novembre.
Donc, évidemment les interrogations sont là.  Je suis en train de réfléchir à des sorties non simultanées entre le digital et l'album Cd ou LP. Rien de très original comme réflexion mais voilà où j'en suis.
A vrai dire la musique peut absolument nous aider dans l'atmosphère qui nous vivons.Les amateurs en ont besoin. La vente physique par correspondance peut fonctionner aussi selon les bureaux de poste.
Maintenant, il faut que nos Newsletters circulent!
Ce qui est certain, c'est que je n'annulerai aucun projet.
En ce qui concerne le type d'aide, je reste ouvert à toute idée ou discussion.
Gérard de Haro - Site du label

NOWLANDS / Un label TAC
Notre seule production 2019-20 est sortie le 20 mars, au début du grand confinement. C’est l’album de Mirtha Pozzi en solo « TZIMX »
Ces derniers temps, nous produisons peu d'albums et les publions sur des labels amis.
L’album est disponible sur Bandcamp, en écoute, en téléchargement et en vente par correspondance.
La distribution physique (Socadisc) est probablement suspendue.
On peut l’écouter sur : https://mirthapozzi.bandcamp. com/album/tzimx
NOWLANDS est d’accord pour que le CD soit en vente aux Allumés. Il faut organiser ça
Sur le site de NOWANDS Il y a pas mal de streaming, quelques ventes physiques par correspondance et très peu de téléchargements payants. (...)
Nous avons reporté la soirée de sortie de disque prévue fin avril. Nous fixerons une date dès que possible, sans doute à l’automne...
Pablo Cueco

OUCH  ! RECORDS

Oui effectivement c'est dommage de ne pouvoir faire circuler nos disques , spécialement les vinyles pour l'étranger
Pour ma part je ne prends pas le risque d'essayer de les acheminer , malgré quelques commandes , pour faire patienter j'envoie l'album numérique ...
Lionel Martin - Le site du label

IGLOO RECORDS
(Belgique)
Nous avions trois sorties prévues au printemps (avec concerts de présentation). Les concerts sont évidemment reportés mais nous avons décidé de maintenir les sorties digitales, d'une part pour éviter un "encombrement" à l'automne (période pendant laquelle nous avons déjà plusieurs sorties programmées) et d'autre part, pour maintenir une actualité du label. 
Nous avons également mis en place une action promotionnelle visant à offrir un album de notre back-catalogue en version digitale HD-RES (l'offre est valable pendant une semaine). Nous avons également décidé de publier une playlist par semaine autour d'une thématique à chaque fois différente, une manière de maintenir notre public curieux et de (re)faire découvrir des albums/ artistes de notre catalogue. Nous continuons d'assurer également la vente physique par correspondance via notre site internet puisque les services de poste fonctionnent encore relativement bien ici en Belgique.
Nous continuons également à communiquer sur les home-sessions de nos artistes. pas mal d'entre eux continuent de se produire sur la toile. Une page facebook "Culture en quarantaine" a été créée qui relaie un grand nombre de spectacles/concerts. Une plate-forme payante existe également pour le jazz en Belgique, elle permet de rémunérer directement les artistes qui se produisent en "live" sur la toile. 
Le site du label
 
AYLER RECORDS
(...) Je continue de vendre en direct à peu près au même (petit) rythme que généralement, aussi bien en téléchargement (mais là aussi, pas plus pas moins) qu'en format physique.
J'ai la chance, il faut dire, de pouvoir continuer à envoyer du courrier facilement, ayant pour centre postal professionnel un des plus importants centres de tri du nord Essonne.
En revanche, pour oeuvrer au bien-être des "confinés" (comme moi), j'ai mis en ligne quelques archives de concerts en rapport avec le catalogue du label, en accès libre sur YouTube. De la bonne musique à écouter quand on a plus de temps, chez soi, à proximité de son ordinateur.
J'ai des projets en cours, je vais faire comme d'habitude : rentrer la tête dans les épaules et foncer. ; -  )
Stéphane Berland

QUOI DE NEUF DOCTEUR

Nous sommes déjà en sous-activité depuis un bon moment avec une moyenne de 20 concerts par an, la quasi totalité au chapeau, sans contrat de travail et pas d'enregistrement et de sortie de disque programmés.
De ce point de vue, nous sommes peu impactés par cette période de pandémie, et nous ne postulerons à aucune demande d'aide et de soutien spécifique pour cette période.
Par contre nous sommes évidemment préoccupés pour l'année qui vient : les concerts ne vont pas "repartir" comme çà, et je vois mal le public assister à des concerts la peur au ventre, non plus les musiciens jouer en public et risquer une contamination pour eux-mêmes et pour les personnes qu'ils vont cotoyer. Tout celà va durer 12 mois au minimum. Comment anticiper cette période ? Alors oui, enregistrer des albums, avec un minimum de participants, et/ou à distance. La distribution physique vpc devrait repartir à la rentrée, et quand bien même si la distribution numérique ne rapporte rien et n'apporte pas de lisibilité, ces 2 éléments réunis pourront permettre à de nouveaux projets d'être réalisés.
Sans moyens - ou très peu - de production.
S'il y avait un type d'aide que nous pourrions défendre en commun, c'est bien une aide à la production : sans elle, les projets ne verront pas le jour. Ensuite, des aides ciblées sont déjà prévues, dossiers à la transition numérique à déposer, pour entre autres, proposer des fichiers en téléchargement en haute définition.
Serge Adam - Le site du label

LINOLEUM
De notre coté nous avons 4 sorties prévues en  2020.
Nous avons commencé avec une compilation "Various artists" présentant 4 nouveaux albums et 3 précédents intitulée SÖNG SÖNG, Polychrome Sounds from the Underground.
La promo a été lancée avant la crise du Covid et les premiers passages radios et chroniques arrivent, et même quelques ventes via Bandcamp et notre boutique, heureusement on peut envoyer quand même par la poste

Nous avons 2 autres CDs , 1 du duo SAXICOLA RUBI et 1 du sextet PRIMA KANTA que nous venons tout juste de recevoir de l'usine qui heureusement continuent à marcher. Nous attendons par contre pour la promotion de ces 2 albums la levée du confinement mais ça nous laisse un peu de temps pour tout bien préparer.

Coté concert c'est plus compliqué avec les annulations et les incertitudes des concerts actés cet été par exemple, nous essayons de reprendre le contact avec les programmateurs qui sont aussi dans l'expectative.
Nous travaillons également à une mutualisation avec une autre structure de production en Occitanie pour coordonner nos actions et nos moyens de production.

On en profite aussi pour réaliser et préparer quelques vidéos promotionnelles pour nos artistes.
Laurent Rochelle - Le site du label

NATO
Il y a bien sûr l’effet de sidération, le choc immédiat si fort, presqu’irréel, que cela fait passer au deuxième plan ce qui pourrait être une catastrophe pour une maison de disques aussi fragile que la nôtre. Les difficultés s'accumulent déjà. Les difficultés économiques trop habituelles - usantes - d'une chaîne très longue vont être décuplées pour les sociétés sans possibilité de trésorerie conséquente (euphémisme) et vivant sans subventions, ce qui est notre cas.

Le coronavirus n’est pas responsable de la crise (est-ce le bon mot ?) qui sévit depuis belle lurette dans le milieu sérieusement décentré de la musique.

Ceci posé il est vrai qu’après deux années sans possibilité de nouveautés, nos sorties des 27 mars et 24 avril représentaient beaucoup pour nous (trop peut-être). On les sentait un peu propice à penser différemment nos espaces trop fermés, panser nos plaies trop ouvertes. C’était sans doute incomplet.

Il faut donc une nouvelle fois reporter, mais cette fois au diapason de tout le monde. D’une certaine façon, ça crée par force une sorte de côté collectif pour un milieu qui l’est très peu. C’est tout à fait extraordinaire.

Pour l'heure et de façon trop isolée, nous réfléchissons comment, sans moyens un soupçon importants, tenter de transformer quelque chose lors de cet arrêt brutal et inattendu, quelque chose qui était devenu de plus un plus inaudible dans la submersion générale mettant à bas l’expression musicale en la diluant constamment pour qu’elle perde ces contours. C’est ce qui est à l’œuvre sur les plateformes de streaming. Une des armes les plus puissantes du nouveau capitalisme au forfait illimité est la destruction du langage. On ne parle plus, on ne s’exprime plus, on « communique » et connexion et communication deviennent le même mot. La musique en tant que langage est sur la sellette. La musique de corps et d’esprit est remplacée par une gigantesque play list.

Le coronavirus est allé encore plus vite que la 5G.

Or le premier réflexe qu’on a vu se mettre en branle, c’est le recours à Internet comme solution multilatérale. Les propositions sont innombrables : « j’ai un micro, donc je m’enregistre, une petite caméra (un téléphone) donc je me filme et je diffuse, peu importe d’avoir quelque chose à dire, je participe à la grande play list mondiale ». On est passé de la sono mondiale à la branlette mondiale. Le langage posant les armes devant les moyens high tec de communication, l’outil n’est plus de service mais dicte le comportement : « j’ai une mitraillette donc je tue ». Il n’y aurait plus de musiciens, de penseurs, de poètes mais seulement des animateurs de ce grand club planétaire qui tue l’ennui lorsqu’on n’est pas au travail. « Tu as été désigné par Duchmol pour mettre une photo de toi quand tu étais jeune », « Tu as été choisi pour montrer une photo de l’endroittu travailles » etc. et la liste est longue de ces défis à l’intelligence. « Intelligence » entendue ici au sens d’espionnage, de renseignement policier.

On a même des concerts en ligne au chapeau. Des téléconcerts au téléchapeau. Et l’on voit s’afficher déjà comme un phénomène normal le carton de présentation qui fait frémir : Concert sans public1. De là à en prendre l’habitude, l’instituer, il n’y a qu’un pas. On réservera plus encore, plus tard, les scènes à la grande consommation ponctuelle ou à l’élite, c’est selon. Les télétravailleurs de la télémusique feront le téléreste. Et l’on entend déjà, on voit déjà, sur les chaînes d’information, les chaînes de radio effectuer leur sélection des meilleurs moments de la musique confinée. Là où on voit telle star que l’on espérait s’être endormie pour longtemps grignoter avidement la bande passante, telle autre en train de soigner sa popularité en montrant son beau chez-soi, là tel musicien proposant pour la cinquième fois un rendez-vous en ligne sur Youtube, dépité que personne n’ait répondu à l’appel les quatre fois précédentes.

Y a-t-il tant d’urgence à ce neuf à tout prix (à pas de prix), ne savons nous plus être patient, réécouter, découvrir ce que nous avions mis de côté, avoir des oreilles neuves pour des œuvres chéries ou d’autres que l’on avait négligées par manque de temps ou même de tempo ?

Bien sûr à sa dimension aidante, simplement aidante, l’Internet a sa valeur, ses possibilités de découvertes, d’articles neufs et d’archives valables, mais nous n’en sommes plus à ce détail près au moment où l’on bascule dans la folie de la grande surveillance.

À notre infime niveau, nous avons choisi de ne rien faire immédiatement. Notre défiance vis-à-vis du streaming pour des raisons humaines, écologiques, politiques, économiques se trouve soudain incroyablement renforcée par cet ahurissant spectacle. Notre distributeur nous a gentiment proposé une sortie digitale séparée de nos deux petits albums (que nous aimons beaucoup et qui ont réuni des gens magnifiques). Nous l’avons refusée. Notre sentiment est qu’à la fin de ce qui ressemble à un de ces scénarios de science fiction dont on a oublié l’auteur, il nous faudra plutôt regagner un autre chemin, un chemin très simple des relations humaines, de l’intelligence non artificielle, nous reprendrons alors la simple réalisation de nos albums en essayant de les partager au mieux dans un ensemble que nous aimons qui est celui des relations. Notre but n’est pas d’avoir des centaines de millions de vues, de clicks pour être précis, sur un clip mis en ligne sur Youtube, mais de vivre un partage dans un espace vécu. L’album dit « physique » (et on pourrait se laisser aller à ce que cette appellation signifie) pour l’heure semble en être la meilleure incarnation, un objet artisanal réalisé avec amour, un objet qui choisi d’être une île plutôt qu’un canot de sauvetage. Nous sommes des êtres physiques. Les disquaires véritables comme les libraires véritables ne sont pas de simples vendeurs ou vendeuses, mais des relations indispensables, nous les aimons, comme ils aiment les musiciens ou musiciennes et ce qu’ils et elles ont à dire. L’histoire de la musique, de la littérature passe par eux. Pour demain aussi.

Nous n’avons pas le pied marin digital assez sûr pour nous hasarder dans l’océan enchaîné de la bande passante qui pourrait nous faire trépasser. Il est de toutes les façons quasi impossible pour des productions de notre type d'émerger et pouvoir s’y faire entendre (les relevés de ventes ont les zéros devant la virgule), et ce sera pire encore. Alors nous préférons les îles à d’hypothétiques canots de sauvetage. Nous avons la conviction que la crise actuelle rebattra les cartes de quelque chose devenu totalement illisible et incompréhensible. On peut bien sûr tabler sur le fait que l'ensemble de la production musicale se retrouve aux mains des Gafam, il y a une logique à le penser d'autant que la tentation est déjà grande. On peut aussi penser qu'il y a lieu de redéfinir notre propre champ, d'en reprendre le contrôle, de tourner le dos aux offres des exploiteurs criminels, les combattre, de savoir à qui on s'adresse en cessant cette vertigineuse fuite en avant où le sol se dérobe. C'est cette deuxième option que nous voulons travailler avec le plus grand nombre de gens possible en abandonnant autant que faire se peut l'ersatz et le faux semblant mis en lumière par cette crise sans précédent.
1) Merci Dominique
Jean Rochard - Le site du label

IN SITU
Suite à notre dernière production BESTIARI de Romain Baudoin (ref IS 248), nous devions sortir notre quarantième référence dans le premier trimestre de cette année, Un des éléments de cet album ne pouvant être techniquement réalisé suite à la situation particulière que nous vivons aujourd’hui nous avons décidé de reporter cette sortie à l'automne. Cette référence IS 249 est un projet de création sonore réalisé en partenariat avec une promotion de l’ESAD Grenoble-Valence. Elle s’intitule UN SOUFFLE QUI CONTINUE. C’est sous l’impulsion de Fabrice Beslot ayant invité des musiciens à enregistrer seul ou avec d’autres dans des endroits à résonances particulières et sur une période de deux ans, que ces enregistrements ont été par la suite traité électroniquement pour former des pièces uniques dans un cadre « plastique et sonore » par une promotion de l’ESA. Les musiciens invités sont Daunik Lazro, Sylvain Kassap, Anne-James Chaton et  Didier Petit.
Didier Petit 

L'1CONSOLABLE
(...) Comme pour tant d'autres, l'épidémie a eu sur mon activité musicale des effets très concrets et immédiats: mon nouvel album, "Sauvage" venant de sortir le 1er février 2020, j'avais organisé une tournée de sortie de 24 dates en tout, principalement entre mars et juin 2020, dont toutes ou presque ont dores-et-déjà été annulées.

Evidemment, le premier effet de cette vague d'annulations est d'entraver sérieusement la promotion de mon nouveau disque, et le fait de pouvoir avoir le plaisir de le partager en chair et en os avec le public lors des concerts, qui restent pour moi le moment privilégié du partage de ma musique.

Le second effet est d'ordre économique: cette tournée devait me rapporter en tout 7860 euros (en comptant les cachets seuls, et sans compter les éventuelles ventes de disques), sur lesquels je comptais donc et dont je ne verrai finalement pas la couleur. C'est d'autant plus problématique dans mon cas que les revenus de la musique (concerts et vente de disques ainsi que de musique digitale sur Bandcamp) sont mes seuls et uniques revenus  à ce jour (pas de chômage, pas d'intermittence, pas de RSA).

Autre dommage collatéral de l'annulation de la tournée: les ventes de mes disques sont réduites à néant puisque c'est essentiellement aux concerts que j'en vends. Pour avoir un ordre d'idée, j'avais vendu sur les précédentes dates 10 à 15 exemplaires de "Sauvage" en moyenne, ce qui représente une somme de 150 à 225 euros par concert, en plus du cachet.

Pour le moment, l'éventualité d'une aide accordée par l'Etat reste plus qu'incertaine: le fonds d'aide du CNM semble réservé aux personnes ayant la license d'entrepreneur du spectacle, ce qui n'est pas mon cas, ce qui ne me laisse comme seule possibilité que de demander l'aide destinée aux TPE, étant autoentrepreneur, aide plafonnée à 1500 euros, lesquels seront donc de suffire à combler le manque à gagner. J'en ai toutefois fait la demande sur le site des Impôts le 31/03/2020, et attends désormais une réponse.

Au-delà du domaine purement économique, ce sont les processus de création même qui se voient chamboulés par la situation exceptionnelle que nous vivons.

J'avais par exemple programmé des séances d'écriture ainsi que d'enregistrement avec un autre rappeur, du nom de Nada, durant les mois de mars et avril.
Pour les séances d'écriture collective, nous avons pu, même si ce fut plus fastidieux, les réaliser tout de même, par téléphone, en s'appellant plusieurs heures chaque jour durant les deux premières semaines de confinement.

En revanche, nos séances d'enregistrement pour le projet en question (un EP commun qui devrait sortir à l'automne prochain, mais rien n'est moins sûr désormais) ont été de fait annulées, confinement oblige. Elles seront réalisées après la fin du confinement, c'est-à-dire...je ne sais pas quand.

Idem pour une autre séance d'enregistrement avec un autre rappeur, Kimo (de Libres Ratures) prévue initalement le 24/03, et qui est donc reportée à une date ultérieure encore inconnue.

Enfin, je devais également aller faire le mixage d'un projet (un EP 5 titres avec un compositeur suédois, BBZ Darney, qui devrait théoriquement sortir cet été) avec un ingénieur du son à partir de fin mars/début avril. Lae confinement a rendu le travail côte-à-côte impossible, mais j'ai tout de même pu lui transmettre les projets Cubase des 5 morceaux par internet afin qu'il puisse les mixer seul de son côté, et qu'on fasse ensuite des allers-retours par mail au fur et à mesure pour en discuter.

Quant à la possibilité d'écrire seul et de composer, voire d'enregistrer, en revanche, j'ai tout ce qu'il faut à la maison et fais donc partie des chanceux qui en ont la possibilité.

Tels sont les conséquences diverses qu'a l'épidémie sur mes activités musicales à ce jour.

En bon "1consolable", je m'en console cela dit en remarquant que nous sommes beaucoup à partager ces mêmes difficultés, comme Jean Rochard l'écrit si bien dans son dernier texte, "Téléprix qui croyait prendre", que ce n'est pas une situation nouvelle et que le Coronavirus n'a fait que l'accentuer et l'accélérer, et que ce sera donc peut-être là l'occasion pour nous tou.te.s de reprendre la main d'une manière ou d'une autre sur la manière dont on produit, promeut et diffuse nos musiques. Il faut espérer, en tous cas.

Il y a donc, dans les décombres d'un monde qui tombe, et dont la chute s'accélère, une perspective politique réjouissante: celle d'en changer. Pour de bon, et sans attendre.
Naïm l'1Consolable - Le site du label

LABEL ARFI
Nous sommes, comme beaucoup d’autres structures j’imagine, encore abasourdis par l’arrêt de nos activités et bien inquiets quand à l’ampleur de l’onde de choc qui nous attend pour la suite.
Les conséquences à court et moyen termes sont nombreuses pour nous, elles sont aussi parfois difficiles à évaluer avec précision et recul.

Notre première urgence a été de nous concentrer sur les annulations, reports envisageables et possibles pour les activités de concerts, les résidences de création, les ateliers de médiation, et évidemment le suivi des mesures et directives exceptionnelles qui peuvent nous concerner de près ou de loin.
On essaie de garder du lien, déjà entre nous, puis avec nos amis, nos partenaires. On constate sans surprise que c’est aussi plus difficile de faire collectif lorsque l’on ne se voit pas, et qu’il faut trouver d’autres biais pour que l’intelligence collective puisse prendre corps.

Ensuite on commence à se pencher sur notre rapport aux disques, à l’enregistrement.
Nous n’avions pas de sortie de disque prévue sur le 1er semestre 2020. Si l’on s’estime chanceux sur ce premier point, cela ne nous empêche pas de craindre des changements de plannings pour la suite : difficile aujourd’hui de savoir si nous pourrons assurer les enregistrements prévus au mois de juin, compliqué également de savoir ce que la distribution donnera à l’automne. Des incertitudes qui existent aussi du côté des sociétés civiles, et nous ne nous lançons même pas sur la question des chiffres des ventes..
Le site du label
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 











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