La victoire des poètes

Publié le 2017-10-09
Temps de lecture : 8 min.
Les Allumés du Jazz
La victoire des poètes
Les Allumés du Jazz

QUELQUES FESTIVALS, CDS, LIVRES ET EVENEMENTS RECENTS ET POETIQUES OU NON :

Le Festival du Tuquet, organisé « façon années 70 » dans un lieu tenu secret, introuvable sur une carte, mais où le public nombreux, pacifique et concentré a pu découvrir entre autres, le Collectif W - Jeanne Revel et Joris Lacoste qui travaillent sur la performance et sur le jeu… Roboratif et surprenant, le trio infernal, Jeune Fille Orrible… Et aussi entendre Coax Orchestra… Pas directement de la poésie, mais ça décoiffe et décape, les chauves comme les tondus… Entre Zappa, Sun Ra, John Zorn...

Le travail musical/poétique de Prune Béchau (violon) et Adrien Bardi-Bienenstock, organisateurs de l’événement, est formidable… Cherchez leurs enregistrements, leurs livres, leurs sites… Votre temps ne sera pas perdu…

L’événement Dans le ventre du monstre, biennale de poésie, organisé par Lizières à Château-Thierry, une exposition-poétique montée par Ramuntcho Matta et Pauline Faure d’une rare justesse et invention, restant exigeante et sans concession tout en stimulant le public le moins averti, avec des vidéos rares, des créations mêlant arts plastiques et poésie, des surprises, une urne à poèmes (sous la forme d’un vote dont les bulletins pouvaient être des poèmes, des personnages, etc. Avec « dépouillement » commenté en clôture d’expo)…

Ramuntcho Matta a aussi de belles réalisations poétiques à son actif, autour, de Henri Chopin, Brion Gysin, Bernard Noël, sans parler de ses propres disques de chansons et des ses dessins-poèmes quotidiens sur face book et de nombreux CD chez Sometimes Records...

On a pu entendre aussi de belles et intrigantes émissions poétiques sur Radio Libertaire, dans l’émission « Les oreilles libres » de Christophe Frémiot. Co-organisateur (si j’ai bien tout compris) du festival « Les oreilles libres » au squat de la rue de Valenciennes où l’on a pu entendre un grand nombre de rencontres musiques/textes/poésies/ performances… Impossible de citer tout le monde, mais impossible aussi de ne pas parler de Patrick Cazèle et son « Totem Vivant », golem post punk infiltré, fascinant et glaçant, jouant avec les limites de la provocation, de l’indifférence et de la clandestinité…

Le « feuilleton » des Chants de Maldoror, de Lautréamont alias Isidore Ducasse par Sonia Masson (voix et conception, compagnie « Le Lampion ») accompagnée par Pablo Nemirovsky au bando, Didier Petit au cello, Hélène Breschand à la harpe (que de beau monde !) En six concerts spectacles sur la saison 2016/2017. Un chalenge inédit… à suivre…

Assemblages, événement récurent que nous avons monté avec Mirtha Pozzi et Tania Pividori. Pour chaque édition nous présentons un choix de textes et musiques autour d’une thématique, différente à chaque fois… On a pu y croiser des poètes de tous temps et toutes esthétiques.

Mirtha Pozzi et son CD autour des mythes précolombiens sur des poèmes de Eduardo Galeano et du Popol Vuh, en français et en espagnol, avec des mises en musiques différentes pour chaque langue…

Le CD-Livre Voix libres cosigné par Tania Pividori « Mon corps est un vaisseau bercé par le roulis de ta peau » avec le grand poète haïtien Jean Methélus « Il faut apprivoiser dans la bouche d’autrui tous les moments du verbe ». Tania Pividori que l’on retrouve avec Françoise Toullec au piano pour une « récital » de poésie féminine érotique (Attention à la puissance évocatrice de l’art poétique !) qui propose aussi un duo très « poésie sonore » avec Dominique Fonfrède, beaucoup de charmes…

Le superbe travail à partir des poèmes de Robert Desnos, réalisé par Serge Adam, Cristelle Sery et (encore !) Tania Pividori dans le spectacle et le CD Journal d’une apparition. La musique ne se laisse pas dominer par le texte, pourtant très fort. Elle n’est pas « au service » mais semble développer une autre strate, parallèle aux poèmes, sans l’étouffer.

Nadja Sextet, ou le sextuor de clarinettes basses (on est déjà dans de l’exceptionnel, dans lequel la musique s’inspire du livre de André Breton sans utiliser les mots, mais en citant quand même méticuleusement les phrases, et le numéro de page, des phrases inspiratrices. Label Arbre à Canapas.

Jean-Marc Montera et son What’s up, Femmes poètes de la beat generation… Enfin des filles ! Double CD, de très bons musiciens, l’intègrale de poèmes et leur traductions retranscrits à la main par la violoniste et altiste Fanny Pacoud et aussi une très belle réalisation chez Signature.

nato, dans le genre belle réalisation, difficile de trouver mieux ! Objets somptueux, plus proches du livre que du livret, avec textes, illustrations originales, etc… Insertions de quelques textes dits ou chantés  dans De l’origine du Monde du toujours excellent et élégant Tony Hymas, qui signe aussi Chronique de Résistances  dans lequel les textes et leur sens jouent évidemment un rôle plus structurant…

Ursus Minor, toujours chez nato, de Ursus Minor, opus dans lequel on remarquera au milieu d’un aéropage de remarquables musiciens chanteurs et comédiens le corrézien Bernat Combi et Leo Remke-Rochard, Knight of Saint-Paul dans une vie précédente. Poésie souvent présente chez nato… Et souvent engagée et au service de l’engagement ! Musiques engagées ! Musiciens engagés ! Disques engageants… Citons aussi Deadly Weapons et surtout Buenaventura Durruti  (personne ne songera à discuter le caractère engagé du projet…) On remarquera au milieu de l’impressionnante liste des participants Violeta Ferrer, liée personnellement et directement au sujet…

On retrouve Violeta Ferrer dans duo très émouvant et d’une belle simplicité avec Raymond Boni à la guitare, dans un CD dédié à Federico Garcia-Lorca paru chez Fou records.

Belle émotion à l’écoute du concert solo de Pascale Labbé, dédié à Jean Morières… La poésie c’est aussi la voix du souvenir et de l’amour…
La  sieste musicale de Christine Bertocchi et Guillaume Orti… Seule critique, je n’ai pas pu dormir tant la musique était bonne et douce. 

Chez Poros éditions, dans le CD Impromptu, Dominique Pifarely et François Couturier, en compagnie de Dominique Visse défendent avec passion et délicatesse Paul Célan, André Dubouchet et Jacques Dupin.

Avec Violaine Schartz, formidable, Dominique Pifarely encore, toujours aussi précis et exigeant, joue avec les textes de Ghérasim Luca… Grande classe… CD Prendre corps, toujours chez le label Poros.

Les diseurs de musique chez Vandœuvre : quand Serge Pey le poète sudiste aux bâtons gravé rencontre Doneda, Lazro et Lê Quan Nin… Là, on est dans le vif du sujet, forcément… C’est du direct, poésie et musiques ne cherchent pas leurs limites, mais celles du cosmos…

Pour prendre ou offrir à votre entourage un peu de repos après ces quelques enregistrements ou spectacles, je vous recommande une peu de lecture : la fameuse anthologie de la Poésie Française de Georges Pompidou par exemple… Divine surprise, elle est tout à fait honorable. Son introduction est remarquable… Un peu vieille France, certes, mais les choix, la sensibilité manifeste de cet homme, ancien premier ministre et président de la république face à la poésie, étonnent et touchent. Bon, à l’époque on prenait parfois des normaliens pour ces fonctions et pas seulement des comptables ou des avocats. Un bon achat en tout cas. Les 128 poèmes composés en langue française de Jacques Roubaud seront aussi été d’un grand secours, ainsi que le remarquable Nouvelle Poésie Française de Bernard Delvaille

On peut aussi recommander la lecture de Solitudes en terrasse de Patrice Delbourg, deux cent vingt-sept portraits impitoyables et poétiques  portraits de poètes, associés chacun à une boisson et un « établissement ». Noir et délicieux.
Une petite citation (la fin du portrait de Tristan Tzara) :
« il peut aller mourir ainsi sans mode d’emploi
hors de tout protocole compassionnel »

Ainsi que le définitivement indispensable livre-DVD sur Benjamin Péret édité par l’association de se amis. Edifiant. Une petite citation en passant : L’oiseau vole, le poisson nage et l’homme invente
Sur le site de cette association le surfeur un peu résolu et patient pourra trouver quelques enregistrements de poèmes de Benjamin Péret par Claude Brasseur… Du très très lourd….

Et tant qu’on y est, l’excellentissime et définitif Sinon j’oublie, de Clémentine Mélois (éd. Grasset)… Elle est à la fois chez les Papous, à l’Oulipo et dans Mon Lapin Quotidien ! C’est dire ! N’oubliez pas de l’inscrire sur votre liste de courses…

Retour aux CD avec Vie de famille de Jean Pierre Drouet avec l’ensemble Aleph. Comme souvent avec Jean Pierre Drouet le texte et la poésie sont des façons d’engager les choses, de provoquer la musique…

Fou records propose une très bonne version de L’homme approximatif (chants un et deux)  de Tristan Tzara avec Jean-Marc Foussat, Jamal Moss & Jean-François Pauvros (avec Jean-François Pauvros à la voix ! un scoop…)

Un drame musical instantané et le label Grrr ont sans doute la production la plus imposante en quantité de CD dans lesquels intervient la poésie…  Hélène Sage Comme une image CD pour Baudelaire, Mallarmé, Goethe… Michèle Buirette Le Panapé de Caméla  CD pour Desnos, Queneau, Prévert

Pour Un drame musical instantané en tant que groupe on peut aussi signaler Jeune Fille qui Tombe à partir d’un texte de Dino Buzzati avec Daniel Laloux entre autres, chez in situ.

François Cotinaud, saxophone ténor au son chaleureux et « ce qu’on peut trouver de mieux » en sound -painting, a lui aussi une production très impressionnante, tant en qualité qu’en nombre de productions : l’Orphée de Rainer Maria Rilke par l’ensemble Luxus, François Cotinaud fait son Raymond Queneau , Loco Solo François Cotinaud solo, Rimbaud et son double tout ça chez Musivi, ainsi que  Klangfarben/ Monologue de Schoenberg qu’on doit pouvoir encore se procurer sur internet.

Retour à l’engagement chez le label Grolektif : Cellule du groupe Polymorphie , construit autour de textes écrits en prison (ou après une période de détention) par Oscar Wilde, Verlaine, Albertine Sarrazin, Jean Zey et un anonyme. C’est superbe et prenant. L’engagement séduit aussi…

Toujours à la pointe de l’actualité ! Nous avons le plaisir de vous annoncer la sortie prochaine par le label  du Triton de Petites Histoires Noires de Michel Musseau (on peut écouter son CD Sapiens, sapiens…  chez Transes-Européennes/ Buda) chef-d’œuvre de l’électro-acoustique et de l’humour (combinaison rarissime) dont Roberto Robao est le seul autre exemple à ma connaissance (mais là pas de disques et spectacles rares…)

Et pour vous reposer à nouveau avant d’écouter Bruno Tocanne - Rémi Gaudillat et Pablo Néruda, François Tusques et Lewis Carrol, et quelques autres et non des moindres… Vous pouvez essayer  de retrouver les poèmes plus ou moins authentiques qui apparaissent dans les polars et SF… J’aime bien l’idée que les auteurs recyclent leurs poèmes personnels dans leurs productions de littérature populaire…  Les sentences de Confucius dans Peter Cheney, les poèmes de Narvarth chez Jack Vance… On peut lire aussi Le poète de Michael Connelly, ou Lune Sanglante de Ellroy, qui s’ouvre sur un poète. Jean-Bernard Pouy, laisse entrevoir bien des clefs sur le rapport entre poésie et roman noir dans la nouvelle inédite Sauvez une arbre, tuez un écrivain ! qui clôt son remarquable et indispensable Une brève histoire du roman noir.

Et je vous propose, pour conclure, un fragment du poème « Ordre numéro 2 à l’armée de l’art »  de Vladimir Maïakovsky :

« Camarades, donnez au peuple un art nouveau qui tire de la boue la République » … qui me semble d’une actualité brûlante !

Pablo Cueco    

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