CNM : MAIS OU EST DONC PASSÉE LA MUSIQUE ? par Fabien Barontini

Publié le 2019-06-03
Temps de lecture : 18 min.
Les Allumés du Jazz
CNM : MAIS OU EST DONC PASSÉE LA MUSIQUE ? par Fabien Barontini
Les Allumés du Jazz

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir  sur la création du Centre National de la Musique (CNM)

Une analyse éclairante de Fabien BARONTINI

Mais ou est passée la Musique ?

La lecture de la loi votée le 06 mai 2019 par l’Assemblée Nationale statuant la création du Centre National de la Musique (CNM) procure une étrange impression. Un article premier pose les missions du CNM. Les autres articles s’occupent en fait de l’aspect juridique de ce nouvel établissement public et de l’absorption par celui-ci de divers organismes (CNV, FCM, BUREX, IRMA, CALIF).

En intronisant le 21 mars dernier, le Comité Opérationnel chargé de la mise en place du CNM, présidé par une inspectrice générale des Affaires Culturelles, le Ministre de la Culture, Franck Riester a déclaré : « Le Comité Opérationnel réunira également les services compétents du ministère de la Culture, dont la Direction Générale des Médias et des Industries Culturelles (DGMIC) assurera le pilotage ministériel du projet ». La Direction Générale de la Création Artistique (DGCA) jouera donc les seconds rôles. (1°)

LE CNM : comme une suite logique
Avec le CNM, la musique est appréhendée uniquement sous l’angle économique. Le rapport Mission de préfiguration du Centre National de la Musique (2°), rédigée par les députés Pascal Bois et Émilie Cariou (LREM) et approuvé par le Premier Ministre, atteste de ce choix strictement économique et servira en fin de compte de feuille de route au Comité Opérationnel pour le CNM. Apollon peut ranger sa lyre et la muse Euterpe son aulos, l’Homo Economicus ultralibéral les remplace. C’est justement cette idéologie économiste que nous critiquons ici en relevant les lignes de force du rapport CNM et de la loi.

Le CNM s’inscrit dans la continuité d’une dérive ultra-libérale qui, au fil des ans, a miné les missions de service public de la culture : baisse des budgets, instauration de normes bureaucratiques au travers des cahiers des charges, indicateurs d’objectifs technocratiques liés aux conventions, détournement des missions de création par injonction insidieuse au « remplissage » des salles –quel musicien n’a pas connu cette insultante et piteuse remontrance de la part d’un directeur de lieu public « ce n’est pas pour mon public » ? Dans cette locution, tout est dit des dérives du service public.

Le « Public » est ici essentialisé, rassemblant les membres identiques d’une espèce à l’identité personnelle sommaire. Et la déclinaison plurielle du terme en « Publics » ne vaut guère mieux. Au fin du fin, cette essentialisation du public a abîmé le sens profond de l’art quin’est pas de s’adresser à un public ou des publics mais un processus d’individuation qui s’adresse à un sujet (3°). L’inverse de la massification marchande de la culture. Le point de vue économiste qui prévaut au CNM est un élément supplémentaire et majeur qui participe à cette agression contre le sens de l’activité artistique. L’oukase économiste est devenu l’outil de la« soft-censure ». Rappelons qu’au même moment sous prétextes d’« économies budgétaires », des émissions de création musicale de France Musique sont vouées à disparaître.

Une vision économique erronée mais ultra-libérale /1
Le fondement de l’analyse économique sur laquelle s’appuie le rapport CNM pour justifier ses propositions est très superficiel et erroné. Passons sur le chiffre fantaisiste annoncé du « poids » économique de la musique en France : 8,7 Mrd€ et 240.000 emplois. L’« exposé des motifs » du Projet de Loi avance lui un chiffre d’affaire de 4Mrd€. Un tel écart laisse perplexe quant au sérieux du travail des rapporteurs. Le rapport CNM ressasse les antiennes habituelles, p7:« L’industrie mondiale du disque a connu une crise d’une rare violence du fait du piratage de masse. Le chiffre d’affaires mondial de la musique enregistrée est passé de 23,8Mrd$ en 1999 à 14,3 Mrd$ en 2014.» Problème : le chiffre d’affaire référence de 1999 est déjà un mauvais chiffre car la crise du disque est très antérieure au piratage, ce dernier n’a fait que l’aggraver. En fait le premier décrochage date de 1979 : moins 16% aux Usa, moins 9% en France, moins 11% à l’échelle du marché mondial (4°). L’industrie du disque évite de s’attarder sur ce sujet plutôt gênant pour son image.

Au début des années 70, l’industrie musicale est une des plus rentables au monde. Pour accroître cette rentabilité financière, elle recrute des managers au profil de strict gestionnaire économique. Encouragée par la théorie de marketing dite du « « 20/80 », 20% des produits doivent satisfaire 80% de la demande, une course effrénée au succès mondial est lancée par des investissements très coûteux en production (enregistrement, cachet exponentiel pour les stars et concerts « live » de plus en plus spectaculaires), campagne publicitaire multimédia extrêmement onéreuse etc...Résultat, en apparence paradoxal : plus vous avez de stars millionnaires en vente de disques, plus les chiffres de vente globaux baissent.

En effet, pour favoriser le succès commercial d’une minorité, les fameux 20%, les artistes et musiques intermédiaires au chiffre de vente moins important sont délaissés (5°). L’apparitiondu Compact Disc va temporairement stopper cette baisse, les amateurs de musique reconstituant leurs fonds entre autres raisons. Le « marché du disque » se développe sur unebase artificielle. Le « back catalogue rééditions, représentent 60% des ventes. Les « compilations » vendues en station services, kiosques et grandes surfaces prolifèrent. Dédaignant l’amateur de musique, les majors ciblent le non-mélomane – l’acheteur masse – qui n’achète que trois disques par an. Quand le piratage numérique intervient, l’industrie du disque s’est déjà disqualifiée elle-même. Le modèle économique du « Star system » sur lequel elle s’est définitivement construite s’avère nuisible.

Une Vision économique erronée mais ultra-libérale /2

Toujours page 7, le rapport CNM désigne le streaming, comme solution unique aux problèmes de la musique en France : « L’essor du streaming suscite un espoir réel et ouvre des perspectives inédites ». Seul argument pour justifier une telle affirmation, le chiffre d’affaire mondial de l’industrie musicale est reparti à la hausse depuis 2015. Comme pour le « Star System », le modèle économique de la plateforme « streaming » n’est pas analysé sérieusement.

Pourtant les plateformes, tant célébrées, sont en déficit permanent. Spotify, la plus importante d’entre elles - avec ses près de 200 millions d’utilisateurs - a perdu 43 millions d’euros en 2018 (6°). Des centaines de millions en déficit cumulés (7°). Spotify semble même renoncer à la rentabilité de ses activités musicales et tente de se diversifier, rachetant Gimlet Media, un producteur d’émissions diverses de « podcasts », s’endettant à cette occasion de 200 millions de dollars supplémentaires (8°). Les autres plateformes de streaming sont aussi déficitaires. Ce modèle tant vanté est vermoulu à la base. Un abonnement mensuel coûte 9,99€, il est gratuit si vous acceptez de recevoir des messages publicitaires. Cet abonnement gratuit est particulièrement apprécié des jeunes. Existent également l’abonnement famille : six comptes pour 14,99€, le Premium à 0,99 Cts pour trois mois. L’abonnement vous donne accès à des millions de référence. En comparaison, l’album CD vendu 15€ semble une arnaque. Absurde. Comme si un constructeur automobile vendait 200€ un véhicule coûtant 20.000€.

L’avènement d’une économie « Low Cost »

Avec le Streaming, l’industrie musicale a inventé une économie « low cost » de la musique. La destruction de la valeur devient inhérente au streaming. À ce jeu sont gagnants les fabricants de Iphone et autres portables pour qui la musique est réduite à un accessoire de plusdans le panel des applications. Les trois majors du disque, les agrégateurs et quelques labels de taille moyenne misant sur du hip-hop commercial aussi. Grâce aux accords commerciaux passés avec les plateformes, ils raflent 75% du chiffre d’affaire streaming.

Les « Stars » bénéficient de ce mode de diffusion. Comme le remarque Sophian Fanen : « Le Streaming calcule tout en nombre d’écoutes – chaque écoute étant décomptée à partir de 30 secondes. De là sont valorisés mécaniquement les musiques qui sont écoutés de façon boulimique : les tubes du moment et les musiques des 12-25 ans… Dans cette économie là, ce sera toujours la musique des plus jeunes. Simplement parce qu’on est obsessionnel et qu’on a du temps à tuer à 15 ans. » (9°)

Une musique produite selon le procédé industriel du « Track and Hooks » est totalement adaptée à ce marché juvénile (10°). À cela ajoutons les manipulations des algorithmes de recommandations. Le calcul des droits se fait au prorata. Ainsi si vous aimez le dernier disque ECM de David Torn et l’écoutez en streaming, la somme payée pour cette écoute sera répartie au prorata, donc aussi aux Stars des musiques de massification. Par contre, votre artiste préféré, trop peu répertorié, ne percevra rien sur les revenus de ces mêmes stars.

Les perdants sont nombreux. La majeure partie des artistes qui ne sont plus rétribués à leur juste valeur : 0,008€ par stream, ou un peu plus, ou un peu moins. Soit pas grand chose. Ne surtout pas oublier parmi les perdants, la nature, notre environnement : le consumérisme
numérique participe allègrement à la catastrophe écologique en cours (11°). Et d’une façon plus générale la culture musicale.

Une économie contre l’art musical

Le rapport CNM semble s’inquiéter du rôle des plateformes dans la concentration musicale, mais alors pourquoi faire de ces plateformes, qui ont le statut de gadget pour leurs usagers, le « nec plus ultra » de l’innovation en matière de diffusion ? Au point de lire dans l’ « Exposé des motifs » de la Proposition de loi, cette assertion hallucinante reprise in extenso du programme du Prodiss : « La distinction entre spectacle vivant et spectacle enregistré, entre « live » et « streaming », si elle traduit toujours des usages et des modèles économiques distincts, ne s’efface pas moins devant les logiques des acteurs économiques qui, quelque soit leur taille, doivent concevoir leur développement artistique et économique de manière intégrée, fondée sur ces deux piliers de diffusion. » Ce modèle intégré devient donc le moyen définitif pour inclure le spectacle vivant dans une logique industrielle. Les dégâts constatés dans le domaine de l’industrie du disque importent peu.

Et le rapport CNM d’en rajouter : « Dans cette nouvelle ère numérique hyperconcurrentielle, la possibilité pour les acteurs français de s’imposer dépend en grande partie de leur capacité à développer des projets artistiques de dimension mondiale, pour rivaliser avec les offres étrangères et notamment anglo-saxonnes. Si la filière française ne relève pas ce défi de compétitivité, elle risque à très court terme d’être marginalisée… Pour la France, l’enjeu des années à venir est donc crucial : prendre les parts de marché qui lui permettront d’assurer le rayonnement de ses artistes. ».

Depuis quand la musique est le prétexte d’une concurrence effrénée entre artistes selon leur nationalité ? Les artistes des musiques de création conçoivent leur rapport à l’international sur la base de collaborations et d’échanges, de travail créatif en commun. La musique n’a rien à gagner d’être envisagée sous l’angle économique de ce nationalisme ultralibéral.

Pas besoin d’être grand clerc pour comprendre l’implicite du propos : les musiques de création ne sont pas aptes à l’hyper-concurrence économique. Et le rapport de citer comme réussite française le succès commercial de Chris & the Queen, de Jain « nommée aux Grammy Awards 2018» (12°). Ces deux exemples prouvent que le rapport CNM s’assoie allègrement sur la diversité musicale qu’il prétend pourtant défendre ! On peut même dire que le rapport ne défend pas la liberté de création car il la soumet à une idéologie de la concurrence économique.

Dernière remarque : l’industrie musicale a acquis aujourd’hui un poids économique subalterne. Elle n’est plus utile à la vie de la musique. L’Ifti (Fédération Internationale de l’Industrie Phonographique) annonce un chiffre d’affaires mondial de 19,1 Mrd$ pour 2018. Même en progrès, c’est un chiffre faible. Notons que le chiffre d’affaires de l’industrie du jeu vidéo est de 115,8 Mrd$ pour la même année (13°). Cette comparaison nous fait comprendre que l’âge d’or des années 70 est définitivement terminé pour l’industrie musicale. Arrêtons defantasmer sur elle, elle n’est plus le pivot unique sur lequel s’organisaient les loisirs de la jeunesse, et ce, même si l’industrie musicale participe encore à l’éducation consumériste de chaque nouvelle génération.

Le streaming « low cost » lui assurera encore une marge de progression pour les années à venir, mais elle ne retrouvera plus les fastes d’antan. Dans son dernier rapport annuel, l’Ifti note que les ventes stagnent de nouveau en Europe (régression en Allemagne), la France sauve une petite progression de 1,9% grâce à l’album posthume de Johnny. La Chine est alors perçue comme son futur eldorado car avec seulement 33 millions d’abonnés aux plateformes - le pays le plus peuplé du monde - a une belle marge de progression. L’industrie musicale, Universal MG propriété de Vivendi/Bolloré en tête, s’active alors à faire de la K-Pop (Korean Pop), le genre qui élaborera les mêmes produits pour le marché de la Chine et Asie, Europe et Amérique (14°). D’où la campagne actuelle de promotion médiatique en France pour la KPop, comme si biberonner nos chérubins d’Orelsan ou autres pseudo-rappeurs puérils ne suffisait pas, il fallait en rajouter.

Préados De Tous les Pays, vous êtes la cible de l’Industrie Musicale !

Il est facile alors de comprendre que l’industrie musicale ne cherche plus qu’à délimiter la zone de marché et d’activité des produits standardisés qui lui garantira des profits. La musique est le cadet de ses soucis. Le but est d’accroître la rente actionnariale en assurant une domination d’oligopoles sur un marché global mais lucratif. Cette économie du profit lucratif n’a rien à voir avec l’économie de revenu d’usage du service public ou des TPE privés àfinalité artistique.

Le ministre de la culture Frank Riester a déclaré lors de son discours d’intronisation du Comité Organisationnel du CNM : « La position désormais dominante des plateformes peut engendrer des phénomènes de concentration et porter atteinte à la diversité culturelle ». Pourquoi alors avoir créé un CNM dont le contenu répond aux attentes des responsables même de la concentration, le SNEP (Syndicat National de l’Édition Phonographique) compte en son organisme dirigeant les branches françaises des trois Majors de l’industrie du disque qui y sont hégémoniques.

Le Prodiss accueille aussi les agents de la concentration dans le spectacle vivant et Live
Nation France, filiale du Live Nation US (15°), siège à son bureau comme premier viceprésident. Bureau dans lequel Live Nation côtoie Pleyel Gestion (groupe Fimalac). À l’opposé, 21 fédérations et réseaux de musique ont déclaré dans un communiqué que leurs propositions n’avaient pas été retenues (16°). Cette apparente contradiction entre les craintes affichées par le Ministre et les actes est la résultante d’une manipulation langagière typiquement macronienne.
Quand on ne peut nier une réalité (ici la concentration marchande), on fait mine de s’en inquiéter mais on continue la mise en oeuvre de la doxa ultralibérale. Le fameux « en même temps » appliqué à la musique. Les orientations concrètes contenues dans la loi et le rapport CNM en attestent.

Des orientations néfastes

La loi CNM votée semble anodine dans sa rédaction par son aspect strictement juridique et ses intentions consensuelles si irréprochables, à l’exemple de l’alinéa 1 de l’Article 1er : « Soutenir l’ensemble du secteur professionnel, dans toutes ses pratiques et dans toutes ses composantes et en garantir la diversité ». Les projets des entreprises de concentration économique pourront donc être aidées. Pour éviter ce risque, il eût fallu que le législateur inscrive un alinéa stipulant que toute entreprise à visée oligopolistique ne puisse bénéficier d’une aide du CNM, que l’encadrement des cachets soit exigé dans la loi afin d’éviter les dérives financières des festivals et méga-concerts de massification. Le CNM a alors un de ces airs de « liberté du renard dans le poulailler ».
Les pires défauts du CNV pourront s’y déployer comme les abus de droit de tirage qui permettent à des producteurs à finalité lucrative de toucher des aides substantielles pour des tournées annoncées par avance « sold-out ». Toute expertise esthétique y est formellement
bannie.

Le rapport CNM avance des propositions très discutables. Le CNM sera doté d’une directiondes études (évidemment économiques) capable de mesurer le secteur (pour la technocratie néolibérale la musique se mesure !) et d’orienter les politiques publiques. La politique culturelle est donc soumise à l’impératif de gestion économique, ce qui est une manière de dire que la politique, vidée de son sens, n’est plus politique.

Rien d’étonnant à ce que le rapport CNM demande à « ne pas se substituer au secteur privé » dans le domaine de la formation professionnelle. Comme un fait exprès, Live Nation France a annoncé l’automne dernier le lancement d’une école de managers de la musique. Ce type d’oligopole dit à 360° vise toujours à dominer le plus de maillons de la chaîne d’activité. Les responsables de Smac et autres lieux publics de musique feraient bien de s’inquiéter, une Délégation de Service Public est si vite arrivée.

Le rapport CNM précise les différents contours d’une musique « produit » d’entreprise. Ainsi le fond de soutien aux créateurs ne sera alloué qu’à un projet de création musicale « caractérisé par l’implication contractuelle et financière d’un éditeur constitué sous forme
de personne morale ou, tout le moins, distinct de l’auteur et/ou du compositeur ». Pour rassurer, il est dit que l’état gardera la main mise sur l’Établissement Public en nommant des représentants de ministères. Mais l’artistique y est sous contrôle, c’est le moins que l’on puisse dire. La Direction Générale de la Création Artistique s’y trouve bien isolée et encadrée par la DGMIC, le ministère du budget et le ministère de l’économie (on connaît l’antipathie légendaire de ces deux ministères vis à vis du ministère de la culture), le ministère des affaires étrangères. Un représentant des Dracs sera associé aux relations avec les régions et celui du ministère de l’éducation nationale à la politique d’EAC. Le conseil d’état statuera par décret cette gouvernance, une fois les représentants de la « filière » désignés.

EN GUISE DE CONCLUSION :

Qu’on ne s’y trompe pas, la création du CNM est un tournant de l’État en faveur d’une vision culturelle entrepreneuriale de rentabilité financière… poussé jusqu’à l’extravagance d’une imbécilité délirante… comme l’appel lancé aux « artistes » pour la conquête des marchés mondiaux. Les divagations économiques du rapport CNM sont vues selon le prisme de l’industrie musicale. Cette industrie, devenue subalterne, soumise aux tensions et aléas des acquisitions et ventes des groupes financiers qui la contrôlent, ne peut être la base d’un renouveau.

L’art musical est une affaire d’artistes et d’artisans «oeuvriers » (17°) non d’industriels. Ce n’est pas d’une économie du profit lucratif dont la musique a besoin mais de celle du revenu d’usage. C’est à cela que servent les financements publics malheureusement malmenés par les gouvernements successifs depuis de nombreuses années. Rappelons que dans le mécanisme de formation des prix des marchandises l’impôt est compris et que l’impôt sert à payer la valeur du travail de fonctionnaires comme les enseignants, les juges et autres professions du service public (18°). Il sert aussi à reconnaître la valeur d’une vie artistique, la valeur du travail des artistes pour la société et les individus qui la composent. La politique publique du ministère de la culture est d’évidence à renouveler, la vie musicale en est le témoin direct. Mais c’est en aidant directement les artistes et les diverses formes de TPE à finalité artistique que cela doit se faire.

L’idéologie du CNM est un vent contraire à l’intérêt de la vie artistique, une banalisation économique. Massification marchande VS individualisation artistique. Si pour l’instant, mille précautions sont prises en annonçant que les financements publics pour la musique ne sont pas remis en cause par l’existence du CNM… À l’avenir, cette conception marchande de la musique peut s’avérer ravageuse pour le soutien public à la création. Nul doute que les entreprises de l’industrie culturelle aimeraient mettre la main sur des financements publics tel le coucou qui s’approprie le nid des autres. L’intronisation du CNM le 1er Janvier 2020 n’en marque pas pour autant sa victoire idéologique définitive. Il ne pourra déployer toute son activité immédiatement et des contradictions apparaîtront. Aux artistes et à nous tous, professionnels du secteur et amateurs de musique, de se rassembler, de porter publiquemen un débat et des propositions dans la société pour une nouvelle dynamique des financements publics. Débarrassés d’une conception marchande. Rien n’est gagné ou perdu à l’avance.

Fabien Barontini

1° Le Comité Opérationnel a commencé ses consultations pour l’organisation concrète du nouvel Établissement public
industriel et commercial. Les organisations du spectacle vivant sont conviées à des réunions. Sans la DGMIC bien sûr. On
peut constater que le cadre défini par le rapport Cnm et le Ministre de la Culture balise de fait les débats.
2° Nous l’appellerons « rapport CNM » dans la suite de ce texte.
3° Olivier Neveux « Contre le théâtre politique » la Fabrique 2019. Ce livre consacré au théâtre contemporain en France
est une pertinente analyse des politiques culturelles actuelles.
4° Chiffre provenant du Bilboard in - David Buxton « Le ROCK, « Star System et société de consommation » Thèse de
doctorat consultable en libre accès sur internet.
5° John Lyndon alias Johnny Rotten raconte dans ses mémoires « La rage est mon énergie » comment Warner-Elektra a
sabordé les ventes d’ « ALBUM » de son groupe Pil qui menaçait de faire ombrage à la promo dispendieuse misée sur
Metallica. Des exemples de ce type, les placards de l’industrie du disque en regorgent.
6° In LE MONDE 13 Mars 2019 – Alexandre Picard «Spotify porte plainte contre Apple dans sa fronde contre Apple store »
7° La fiche Wikipédia Spotify annonce un déficit cumulé de 1,2 Mrd€.
8° In LE MONDE 09 Février 2019- « Rachat par Spotify de Gimlet Media »
9° Sophian Fanen «Les mécaniques du streaming » in « Aux Ronds-Points des allumés du Jazz » Printemps 2019
Sophian Fanen « Boulevard du Stream » Castor Astral 2018 .
10° pour une information plus complète lire John Seabroock « HITS : Enquête sur la fabrique des tubes planétaires »
La découverte. 2016.
11°Guillaume Pitron « Acteurs de pollution numérique » in « Aux Ronds-Points des Allumés du Jazz » Printemps 2019
12° Nos deux députés rapporteurs (LREM), pétaradants modernistes et innovateurs à la Bouvard et Pécuchet, proclament
fièrement que la musique fait entendre la langue française dans le monde entier… sauf que Jain chante en anglais… Ils
savent de quoi ils parlent nos dignes représentants de la Nation.
13° Web-revue des industries culturelles et numériques. Janvier 2019
14° John Seabrook « K-Pop et technologie culturelle ». ibid.
15° Live Nation est une société de production de concerts (numéro 1 mondial) créée en 2006 aux Usa par le réseau de radio
Clear Channel. En 1996, Bill Clinton libéralise le réseau de radios aux Usa. L’annonceur publicitaire Clear Channel (le
Decaux Us) devient propriétaire de la moitié des 2300 radios Us et créent alors sa société de production de concerts.
Aujourd’hui les deux entités sont séparées. Live Nation produit des dizaines de méga festivals dans le monde, possède un
réseau puissant de salles aux Usa et en Europe, est l’agent de la plupart des stars de la R’N’B, Pop, Rap etc…, gère des
studios d’enregistrement, la billetterie en ligne. En France, Live Nation possède le Mainsquare festival (Roubaix), Le
Lollapaloozza festival (Paris) , Download festival (Essonne) , Co-dirige Mars Attack (Marseille ), commence à infiltrer les
programmations des Smacs. Son principal actionnaire actuel est Liberty Media un conglomérat qui investit aussi bien dans
les émissions de Téléachat (40 chaînes TV), la gestion de parkings, le conseil informatique et numérique, l’organisation des
courses de formule 1 (propriétaire de Formule One) etc…
16°Communiqué consultable sur le site de l’Association Jazz Croisé.
17° Roland Gori, Bernard Lubat, Charles Sylvestre : « le Manifeste des Oeuvriers ». actes sud. 2017
18°Cette valeur est d’ailleurs reconnue puisque le salaire des fonctionnaires est intégré au calcul du Produit Intérieur Brut.

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