PORTAIT OF DUKE (Ref. LBLC 6628)

Ellington : le grand compositeur de petites pièces et de longues suites.

Ellington : le chef d'orchestres, le leader des petites formations, le grand pianiste, l'instrumentaliste de Coltrane.

Ellington : le classique, le moderne, le savant, le populaire.

Ellington : l'Afro-américain, l'Européen, le noir, marron, beige. 

Ellington : l'admirateur de Shakespeare, le poète de New Orleans, l'Oriental, le rêveur du Togo, l'ami de la Reine.

Que dire d'autre d'Ellington ? On pourrait encore dire beaucoup de choses sur le Duke, et plus encore sur sa musique. Pietro Tonolo a choisi trois partenaires susceptibles de partager une même approche, disons européenne de la musique, dans laquelle le résultat général prévaut sur le particularisme des solistes, où la musique devient alors alors bien plus importante que la misère humaine. Pour parvenir à se résultat, il faut être doté d'une sénérité intérieure contagieuse et d'un calme rationnel qui ne craint pas la confrontation à l'exercice de la créativité. La musique doit au contraire tirer profit de ce contraste, car elle n'est pas le produit d'une lutte contre le temps et le monde, mais jaillit en revanche d'une quête de liberté consciente, équilibrée et sereine. C'est ce qu'enseignaient Tristano et Konitz, avant eux Lester Young et aujourd'hui Paul Motian, Steve Swallow, Gil Goldstein et Pietro Tonolo.

Grâceà cette approche, la rencontre avec la musique de Duke ne craint pas l'étiquette, le mainstream ou le "free cool", les formes abstraites ou le tempo lent d'un air de danse tel que "Caravan" ou "Solitude", ni même la redécouverte d'un certain répertoire pour piano (de "All Too Soon" à "Wig Wise", en passant par "Dancers in Love").

Mais où est donc la légèreté d'"Angelica" ? Dans un doux mambo dansé entre les tables d'un café à Montmartre ? Et où se cache la délicatesse d'une "Fleur Carnivore" ? Dans le souvenir de Billy Strayhorn - à qui Carla Bley dédie son morceau - ou dans celui de la voix de Rosemary Clooney, à qui Ellington dédia, en 1956, les harmonies coltraniennes ante litteram de "Blue Rose" ?

Une fois ce disque écouté, il semble qu'Ellington nous échappe une fois encore : dans le fugato du saxophone et de l'accordéon, dans la pudeur du jeu de balai de Motian, dans les lignes imprévisibles et imprenables de Swallow, élégantes et effrontées.

Merci Pietro, car nous ne savons toujours pas jusqu'où nous mènera le Duke.  Riccardo Brazzale