CHEROKEE (Ref. ELA-621036)

Publié le 2000-02-09
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Les Allumés du Jazz
CHEROKEE

Pierrick Pedron (saxophone) , Baptiste Trotignon (piano) , Vincent Artaud (contrebasse) , Franck Agulhon (batterie).

 

En jazz comme ailleurs, les prévisionnistes ont mauvaise presse. Et ce n'est pas le moindre charme de cette musique que de sans cesse nous réserver des surprises de choix. On peut toujours annoncer la mort du jazz, sa résurrection au troisième jour, affirmer sans rire que le jazz demain sera techno ou ne sera pas, prédire son salut dans le recours à l'écriture, prôner le retour aux sources africaines ou le métissage tous azimuts, peu importe : il n'est de réponse que dans l'uvre des musiciens qui, depuis maintenant un siècle, construisent l'histoire de cette musique. Avec des trajectoires tourmentées, quelques faux pas, des coups d'accélérateur puissants, des dérapages contrôlés et autres virages en épingle à cheveu. Car, contrairement à ce que d'aucuns pourraient penser, l'histoire de cette musique ne se raconte pas en ligne droite. Depuis les origines, de multiples styles ont toujours cohabité en son sein. Cette "confusion" se révèle bienheureuse pour l'art : des générations s'y passent le témoin sans hiatus, des conceptions esthétiques diverses s'y côtoient en se nourrissant les unes les autres.

Pierrick Pedron et ses compagnons font partie de ces musiciens d'aujourd'hui qui vivent le jazz pleinement. De cette musique de fête, ils ont su tirer l'enthousiasme, la foi, l'engagement. L'art comme mode de vie : c'est le jazz qui les anime, ils vivent jazz, nuit et jour. Mais gare aux idées reçues : leur musique ne s'invente pas dans les ténèbres des clubs pour s'abreuver du passé, et s'y oublier. Prenant l'histoire du jazz à bras le corps, ceux-là s'en emparent avec un esprit d'invention perpétuellement neuf, afin de, toujours, faire avancer la musique.

Pierrick Pedron joue du saxophone alto. Sur cet instrument marqué à jamais par une kyrielle de solistes prestigieux, il se distingue à coup sûr, depuis quelques années, du lot des suiveurs appliqués. Sacrifiant un temps, avec raison, au processus d'imitation (Johnny Hodges, Charlie Parker, Sonny Stitt, Jackie McLean ou Kenny Garrett emplissent son panthéon personnel), il impose aujourd'hui une sonorité brûlante, nourrie au suc du funk et du rhythm and blues qu'il pratiqua quelque temps. Ses compositions personnelles témoignent d'un talent réfléchi et multiforme : La Grande Blonde, un cinq-temps enjoué et propice aux développements, n'a rien à envier aux plus belles échappées d'un Phil Woods ; Riton, un tempo rapide où les démarrages de fusée évoquent les regrettées Facel Vega ; Mo-More, où le travail sur la forme n'est là que pour servir d'appui aux solistes. Quant à son regard sur les standards, il renouvelle le genre avec bonheur : Cherokee, où alternent de manière dynamique les signatures métriques, Autumn In New York, ballade de luxe, sans fioritures inutiles, pour une balade en Rolls Royce. À ses côtés, Baptiste Trotignon, piano, Vincent Artaud, contrebasse, et Franck Agulhon, batterie, ne jouent pas les utilités. Baptiste Trotignon commence à recueillir aujourd'hui les fruits mérités de ses multiples talents : soliste émérite (Riton, Cherokee), il est aussi l'auteur, ici, d'une fausse valse lente (L'Amer à boire) qui doit autant à la musique française du XXe siècle qu'aux song writers américains chéris du jazz. Vincent Artaud, contrebassiste recherché, apporte dans ses bagages deux compositions qui lui ressemblent (Rompez les rangs et Riton à Nashville) : débordantes d'idées, souvent étonnantes, toujours pertinentes. Franck Agulhon, enfin, pousse sans relâche les machines, attise le feu ou colore le tout de ses cymbales (Cherokee), prenant sa liberté là où la musique le demande (la conclusion de Mo-More).

Il ne reste plus à Pierrick Pedron et à son quartette qu'à rencontrer le plus large public - les habitués des lieux où cette musique s'élabore, se construit jour après jour, sont de vrais amateurs de jazz : ils sont partageurs. Ce premier disque, s'il ne remplace pas le plaisir du direct, est là pour les y aider. C'est tout le mal qu'on leur souhaite et pour une fois, on aimerait que cette prévision se vérifie dans un avenir proche.



Arnaud Merlin

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