LES ALLUMÉS DU JAZZ SONT DES GENS QUI VOYAGENT

Publié le 2013-10-04
Temps de lecture : 17 min.
Les Allumés du Jazz
LES ALLUMÉS DU JAZZ SONT DES GENS QUI VOYAGENT
Les Allumés du Jazz

   Les récentes déclarations d’un ministre en charge de sûreté fustigeant un type de population ont largement ému nombre d’entre nous. Nous travaillons tous de près ou de loin sur des musiques intensément liées dans leur histoire aux mouvements de populations, qui s’accompagnent mal des frontières, des musiques qui ont connu la violente opposition du racisme s'opposant à leur élaboration et leur libre développement. Il a fallu grand courage et haute lutte pour contrer ce racisme et toutes ses extensions pour que nous puissions faire aujourd'hui ce que nous faisons.

 

En Espagne Franquiste, le code civil rendait les Gitans suspects de facto. En France, on se souvient dans les années 40 du camp de Montreuil-Bellay  1 pour « individus sans domicile fixe, nomades et forains, ayant le type romani ».

Il nous a donc semblé primordial de rappeler notre attachement fondamental à l’anti racisme et opportun de republier ensemble trois textes éclairants écrits par Patrick Williams - ethnologue au CNRS, spécialiste des communautés tsiganes d'Europe, de leur vie et leur culture - pour le Journal des Allumés du Jazz (numéros 31 Premier trimestre 2013, 27 Quatrième trimestre 2010, 23 Troisième trimestre 2008)

1 À propos de Montreuil-Bellay sur You tube : "Montreuil-Bellay un camp tzigane oublié"

Vous pouvez  également aller écouter  Notre Radio Nomade  ici

 

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PAYSAGE AVEC ROMS.

Journal n°31

                                                          Ce titre fait référence au tableau de Thomas Gainborough, Paysage avec bohémiens, peint en 1753 ou 1754 qui figure dans l'exposition Bohèmes. De Léonard de Vinci à Picasso, présentée à Paris au Grand-Palais, du 20 septembre 2012 au 14 janvier 2013. Cadre grandiose pour une galerie d'oeuvres toutes plus prestigieuses les unes que les autres. Que de grands noms de l'histoire de la peinture se sont attachés à représenter ceux que du 16ème au 20ème siècle on a appelé égyptiens, bohémiens, tziganes, gypsies, gitanos ou gitans, gens du voyage...! Le Caravage, Nicolas Régnier, Georges de La Tour, Watteau, Boucher, Corot, Courbet, Manet, Renoir, Van Gogh, Toulouse-Lautrec, Kees Van Dongen... pour retenir quelques noms parmi les plus illustres.

            Mais pendant l'expo, les expulsions continuent - sur le modèle de "Pendant les travaux, les ventes continuent", la rhétorique marchande imprégnant désormais nos habitudes de langage. Ce ne sont pas des marchandises que l'on remet ici dans le circuit mais des familles que l'on rejette dans l'espace public. Bulldozers et pelleteuses sont à l'ouvrage. Les travaux se limitent à la phase de destruction.  Quand baraques et caravanes dont ces familles avaient fait leur logis, précaire mais souvent non dénué de confort, sont écrabouillées, les grosses machines désertent les lieux. Les décombres attendent d'être nettoyés.

            Les "démantèlements de campements roms illégalement implantés" ont repris dans la banlieue de Paris et d'autres villes de France dès le mois d'août 2012, dans le droit fil, et en employant pour les justifier le même vocabulaire, de la politique menée par le précédent appareil d'état. Le nouveau ministre de l'Intérieur, moins baudruche que ses deux prédécesseurs (il ne présente pas la moindre expulsion de Roms comme une victoire d'Austerlitz) mais tout aussi brutal, assure que tout est fait dans le respect de la légalité - ce que confirme distraitement le Président qui l'a nommé, trop occupé, maintenant élu, à se désengager de ses engagements de candidat pour s'attarder sur ce sujet. "Un homme vaut sa parole", aiment à répéter les Voyageurs. Pour ce qui est de la légalité, il faudrait demander aux associations de soutien aux Roms et à certains enseignants qui ont les enfants de ces familles roumaines ou bulgares dans leur école ce qu'ils en pensent. Il leur arrive de porter recours contre expulsions et reconduites dans le  pays d'origine et d'obtenir gain de cause devant les tribunaux. Mais il semble que les pouvoirs publics, parfois (ne les accablons pas), anticipent les décisions de justice, et pas dans le sens que celles-ci finiront par prendre : ils vont plus vite que la musique (voilà une métaphore qui n'est pas d'ordre marchand!).

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         Une fois chassées de leur lieu de vie, que faire de ces familles ? Les autorités ont plusieurs cordes à leur arc : les renvoyer d'où elles viennent, avec un pécule qui se montait il y a quelques mois à 300 euros par adulte (on ne sait jamais, des fois que l'on expédie un Bulgare à Bucarest ou un Roumain à Sofia!) ; leur proposer un relogement de plus ou moins longue durée dans un foyer (il se pourrait alors qu'hommes d'un côté, femmes et enfants de l'autre soient séparés) ou un hôtel genre Formule 1 (très pratique pour les habitudes de vie des gens concernés) ; les faire entrer, après sélection, dans un programme d'intégration ; les laisser vaquer ici et là (ils ont certainement des  parents quelque part et les associations sauront bien les soutenir), qu'ils se débrouillent!...

            Eh bien ils se débrouillent en effet. Quel que soit le détour qu'ils aient à effectuer - "retour humanitaire", séjour en "établissement de transition", assignation dans un "village d'insertion" - ils reviennent, ils se retrouvent, ils renouent des liens et renouvellent d'anciennes solidarités, ils découvrent de nouveaux emplacements (friches, chantiers interrompus, usines à l'abandon...), à nouveau ils s'installent et sans délai, dans la précarité et l'illégalité, ils bricolent une vie de village, "... des  mariages et des baptêmes s'organisent et se fêtent sur les terrains, les familles rendent visite à leurs proches, célèbrent Noël et Pâques", rapporte l'ethnologue Martin Olivera. Et ils s'en vont en ville, fouillent les poubelles, collectent la ferraille, mendient, récupèrent, trient, achètent et vendent comme des biffins... Ils deviennent des silhouettes familières dans les rues de nos villes.  C'est peut-être cette capacité de créer de la vie en société face à n'importe quelle adversité, que les braves gens tout autant que les autorités ne supportent pas. Journal de 20 heures sur la 2, lundi 15 octobre, une journaliste interroge les riverains (toujours "excédés", les riverains!) qui de leur balcon ont vue sur un village de baraques : "Est-ce que vous comprenez la réaction des habitants de Marseille qui ont  eux-mêmes expulsé les Roms d'un campement qui s'était installé au pied de leur immeuble ?"

            Il est de bon ton aujourd'hui parmi ceux et celles qui font carrière dans la politique d'affirmer, devant le peu de résultats des mesures d'expulsion en regard des moyens déployés, qu'il s'agit là d'une question européenne". Comme si d'être européenne, la "question" devait naturellement échapper à l'intérêt du pouvoir national. Européenne la question ? Oui, évidemment. Mais quand les événements ont lieu à St-Denis, à Aubervilliers, à Lille, à Marseille, à Vénissieux..., elle est aussi locale, elle est aussi nationale. Peut-être pourrait-on commencer par contextualiser l'arrivée à l'Ouest des Roms de Roumanie et de Bulgarie parmi les mouvements de population qui depuis la Chute du Mur de Berlin secouent l'Europe ? Citons encore Martin Olivera : "... les problèmes de certains Roms sont ainsi les mêmes que ceux des gadjé avec lesquels ils vivent et réciproquement (...). La proportion d'émigrés parmi les Roms de Roumanie est tout à fait comparable au taux d'émigration national de 10% : sur un million de Roms roumains, 100 000 seraient aujourd'hui émigrés en Europe occidentale (40 000 en Espagne, 30 000 en Italie, 15 000 en Belgique, 12 000 en France)." Alors, "migration" ou "nomadisme" ? "Travailleurs" ou "Tziganes" ? "Opportunisme" ou "atavisme" ? "Mondialisation" ou "héritage ethnique" ? ... Au "déplacement lié à la conjoncture historique", le public préférera toujours "l'éternelle errance".

            En fait, il semble que les hommes et les femmes dont nous parlons réussissent à être tout cela à la fois. À conjoindre ce que nous opposons. L'exposition Bohèmes montre comment en eux mythe et réalité quotidienne apparaissent indémêlables ; c'est sur cette confusion qu'elle a été conçue : "la bohème réelle des tziganes et la bohème métaphorique des artistes". Certainement ces derniers poursuivent une chimère, ils n'en offrent pas pour autant des oeuvres de pacotille. Les gravures de Jacques Callot constituent des documents d'une précision ethnographique, mais elles font rêver aussi - elles ont inspiré Baudelaire. Nous ne savons voir cette humanité qu'enveloppée d'une aura fantasmatique. Personne n'y échappe, pas même les créateurs les plus originaux. En présentant dans le catalogue de l'exposition l'image que l'avant-garde artistique de la première moitié du 20ème siècle se faisait des Tsiganes, Tanja Pirsig-Marshall enfile les clichés : "Pour les artistes, les gens du voyage évoquaient la nature primitive sauvage, l'insoumission, l'autonomie, l'indépendance à l'égard des biens matériels, la résistance aux valeurs bourgeoises, ainsi que le déracinement et la marginalité. Bref, ils étaient perçus comme profondément libres. Dégagés des contraintes de la civilisation, ils devenaient par là-même étrangers, séduisants, mystérieux, inquiétants et une source d'inspiration infinie".

            Nos expulsés des périphéries urbaines d'aujourd'hui ont-ils cessé d'être "une source d'inspiration infinie"? Il est peu d'oeuvres récentes qui ne se présentent comme témoignage sinon reportage. Quelques exceptions : Gee-Jung-Jun les a filmés comme au temps du cinéma muet en pied devant leurs pauvres cabanes et fiers comme des propriétaires (France 2007, film de 19 minutes) ;  Bertille Bak présente dans le cadre de son exposition Circuits au Musée d'art moderne de Paris, Transports à dos d'hommes, une création réalisée avec des Roms roumains installés à Ivry-sur-Seine "... les plasticiennes Sylvie Da Costa et Zsazsa Mercury, de la compagnie Les Allumeurs, présentent Dukreben, la bonne-aventure, une "installation artistico-paysagère" au Cirque électrique, Porte-des-Lilas, les 9 et 10 février 2013..."  

"une impression de familiarité rompue" est la formule pleine d'échos qu'invente Éric Chauvier dans son roman Anthropologie, pour rendre compte à la fois de la rencontre et de l'impossibilité de nouer une relation avec une jeune femme  qui fait la manche à  un feu rouge près d'un super-marché de la banlieue de Bordeaux... Même les documentaires sur le sujet se font rares à la télévision. Peut-être n'a-t-on pas oublié le rôle des images de violence filmées lors des expulsions de l'été 2010 dans le déclenchement du mouvement international de protestation contre la politique de l'État français à l'égard des Roms ? Peut-être y-a-t-il une autre raison ? Devant la scène - d'actualité aujourd'hui comme hier - qui montre dans un paysage dévasté les familles roms à pied emportant leur bagage entre deux files de C.R.S. équipés pour la guerre des étoîles, toujours la même question revient - et la réponse n'est pas difficile à trouver : de quel côté sont les forces de vie ?

 

                         Patrick Williams, auteur de Les Quatre vies posthumes de Django Reinhardt,    

                        éditions Parenthèses, 2010.

à lire :  . Martin Olivera, Roms en (bidon)villes, éditions Rue d'Ulm, 2011.

            . Bohèmes. De Léonard de Vinci à Picasso, Catalogue de l'exposition, Grand-Palais,  2012.

            . Éric Chauvier, Anthropologie, éditions Allia, 2006.

            . Michael Stewart & Patrick Williams,  Des Tsiganes en Europe, éditions de la Maison des Sciences de  l'Homme, 2011.

            . Études tsiganes n°46, La "question" rom en Europe aujourd'hui, 2012.

 

http://www.allumesdujazz.com/Journal_Tous_les_numeros/articles/Journal_n_31_647

 

 

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LE GRAND FILM DU MOIS D'AOÛT.

Journal n°27

                                   Je regarde Brice Hortefeux à la télé qui fanfaronne à propos du "démantèlement" de camps roms illégalement implantés. Il me rappelle quelqu'un. Impossible de dire qui précisément. Gloire historique : un général d'Empire ? Héros de fiction : un notable d'une telenovela saisi par le démon de midi ? Vedette people : un champion de polo qui se lance dans le cinéma ?... Je ne trouve pas. C'est aussi agaçant que de chercher le titre d'un air bien connu qu'on n'arrive pas à se sortir de la tête.

            Sur le boulevard de Chanzy, nos Champs-Élysées à Livry-Gargan, un groupe de "Roumains" discutent : éclats de voix, gesticulations... Trois femmes, deux hommes, qui font un boucan comme dix! Des enfants batifolent autour d'eux, décrochant parfois du groupe pour solliciter un passant : donne! donne! Les adultes ne leur prêtent aucune attention, tout à leur dispute. De loin, on pourrait croire qu'une émeute est en train d'éclater. Ils n'ont pas du regarder la télé ou lire les journaux! On a envie de leur dire que ce n'est pas le moment. Compte-tenu du portrait que nos dirigeants s'appliquent à dresser d'eux depuis les protestations qui se sont élevées contre la violence policière lors des expulsions à Saint-Denis, il vaudrait mieux qu'ils se fassent discrets. Ignorent-ils qu'ils risquent de se retrouver dans un avion pour Bucarest ?...  La moue des chalands qui les croisent est plutôt hostile et les enfants qui tendent la main se font rembarrer. Les voilà qui s'assoient sur  le rebord en ciment d'un massif de fleurs posé sur le trottoir. Les exclamations reprennent de plus belle, le volume des voix enfle encore! Qu'est-ce qui les enflamme ainsi ? Des histoires de famille. Évidemment. Un frère qui a pris le parti de son épouse contre ses propres frères, et d'autres parents présents qui ne sont pas intervenus alors qu'ils auraient du le faire... C'est confus. On ne sait trop s'ils s'amusent ou se querellent pour de bon. J'aime cette façon qu'ils ont de ne pas s'amender, de ne sembler jamais se soucier de l'image qu'ils donnent aux autres. Ce qui remplit les colonnes des journaux, même quand c'est eux qui font les titres, ne les requiert aucunement, mais la parole déplacée d'un frère ou d'un cousin...

            Sont-ils vraiment aussi indifférents qu'ils en ont l'air à l'apparence qu'ils offrent à l'extérieur ?Il est vrai que les jupes longues droites, de couleur unie, les souliers plats et les hauts de jogging ornés du sigle Adidas ne donnent pas aux femmes, plutôt jeunes, une silhouette très élégante, mais les chevelures sont soyeuses, l'une d'elle couverte par un foulard à motifs de fleurs colorées, et les bijoux sont en or, tout comme les rires ("Si tu veux garder ton homme, il faut acheter une pièce d'or et tu la transformes en dents pour toi et ton mari. Vous serez ensemble pour toujours" [1], mais les hommes, barbe de quatre jours, arborent malgré la chaleur estivale chapeaux et gilets ouverts sur des chemises blanches. Est-ce cette innocence, cette impudence, que nos concitoyens veulent punir en les jetant hors de notre horizon ? Le Figaro du 27 annonce en  première page que "2 Français sur 3", 65%, sont "favorables aux expulsions vers la Roumanie  de Roms sans papiers".

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            La misère s'affiche. La richesse aussi s'affiche. Et le spectacle de ces deux extrêmes accolés ne manque jamais de déclencher les discours construits sur l'amalgame et les généralisations. Nos responsables politiques - élus - et d'abord le premier  d'entre eux se sont jetés sur l'aubaine qui ne cessent d'associer "Roms" (dont le sens courant est désormais : "gitan d'Europe de l'est à expulser") et "Gens du voyage" (une catégorie administrative qui assigne l'individu à sa "communauté" - les juristes l'ont remarqué : il n'est pas possible de mettre l'expression au singulier). Et fidèlement, dans les journaux télévisés, les images des baraques misérables des "Roms" et celles des belles caravanes tractées par d'impeccables camionnettes blanches (nettement plus nombreuses que les grosses cylindrées qui ont tapé dans l'oeil du ministre - ça, Monsieur, c'était dans les années 80, vous retardez, et vous vous trompez : les belles berlines ne "traînent" pas les caravanes, elles les emportent dans un gracieux tour de valse!) se succèdent.

            Or qu'y a-t-il de commun entre un problème d'émigration lié à l'évolution politique et économique de l'Europe contemporaine et un fait divers qui se produit de plus en plus fréquemment dans notre pays (un contrôle de police du samedi soir qui tourne mal sur fond de guerre entre petits délinquants et policiers exaspérés) ? Rien. Sinon justement ce qu'offrent les préjugés et les clichés les plus calamiteux : "gitans", "asociaux",  "marginaux", "pas d'ici", "pas de chez nous", "pas comme nous"... Et ça marche à coup sûr. L'association répétée des images des deux événements a même fini par produire un effet qui n'était peut-être pas recherché : le saccage des campements roms apparaît comme une réponse aux dégradations perpétrées dans le  village de St Aignan - dont les habitants ne sont pour rien dans l'affaire.

             La brutalité est la chose du monde la mieux partagée. Mais celle qui s'enveloppe dans le manteau de la légalité apparaît, pour cette raison même, plus choquante encore. C'est ce qu'ont retenu les observateurs d'au-delà de nos frontières. Le Parisien du 24 propose un florilège. Daily Mail: "ce que le gouvernement a mis en place est purement et simplement un système de déportation". Süddentsche Zeitung, "Sarkozy s'en prend au maillon faible": New York Times, (Le Parisien paraphrase) Nicolas Sarkozy attise dangereusement les sentiments hostiles aux immigrés pour satisfaire ses objectifs à court terme... Le regard éloigné peut aider à voir l'essentiel. Montrer sa force en écrasant les plus faibles : ça, c'est un programme! Et voilà que l'on retrouve la dimension familiale. Les migrants roms ne sont pas des hommes seuls qui viennent vendre leur force de travail. Ils amènent avec eux femme et enfants et retrouvent souvent, sur notre territoire, cousins, frères, amis, voisins du même village, même quartier, même région. Tous les gens qui sont amenés à les fréquenter s’étonnent de leur capacité à faire société dans des conditions de précarité parfois extrêmes (ne pas savoir quand on s'endort le soir dans sa baraque si le lendemain elle sera encore debout). Est-ce cette aptitude qui les rend insupportables ?

            Le 30, Éric Besson, ministre de l'immigration, annonce un projet d'amendement à la loi de sécurité intérieure pour étendre les possibilités de reconduite à la frontière en cas de "menace à l'ordre public à l'occasion d'actes répétés de vols ou de mendicité agressive" (Le Parisien du 31) - "mendicité agressive", voilà, dans cette même loi, qui va faire pendant au "racolage passif", de fameuse mémoire.

            Ah, Brice Hortefeux ?

Le Général Custer, dans Little Big Man

                                                                      Patrick Williams.

 

- Nous, on n'en parle pas. Les vivants et les morts chez les Manouches, eds de la Maison des Sciences de L'homme.

- Django et Les quatre vies posthumes de Django Reinhardt, éditions Parenthèses.

 

    

http://www.allumesdujazz.com/Journal_Tous_les_numeros/articles/Journal_n_27_399

 

 

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     ES TU MON FRERE ?


Journal n°23

A cette époque-là (il se pourrait qu’il s’agisse de notre propre époque), l’univers (ou seulement une pro­vince de l’univers) était divisé en quatre royaumes. Dans chacun d’eux régnait une famille (ou bien une équipe, un orchestre, un parti, une corporation, une maison, un club, une coterie...).

Un jour, le Grand Ordonnateur de l’Univers décide de réunir tous ces princes afin qu’ils établissent entre eux une entente et qu’ils finissent par s’unir (à moins que l’initiative ne soit venue des princes eux-mêmes, ils étaient bien assez grands pour se passer d’un Grand Ordonnateur).

Tous vinrent et racontèrent leur histoire. Evidemment chaque famille (ou équipe ou...) afficha un désintérêt total pour l’histoire que les autres racontaient. Mais à l’intérieur des quatre groupes ils se passion­naient, contant les aventures les plus extraordinaires, passant de la tendresse à la fureur, du rire à la mélancolie... Ils avaient été accueillis dans un parc planté d’arbres centenaires au milieu duquel une table remplie de victuailles avait été dressée pour eux. Leurs récits possédaient un tel pouvoir d’enchantement qu’ils attirèrent des nuées d’oiseaux qui bientôt les accompagnèrent de leurs chants. La musique des oiseaux, mêlée aux mots des princes, couvrait le monde.

Il semblait bien à chacun reconnaître dansle propos des autres l’écho lointain d’un souvenir familier mais ils préféraient l’ignorer, déclarant que « ça ne leur parle pas », qu’ils

« n’y comprennent rien », que « c’est pas mon truc ». Ils tombèrent d’accord pour décréter la fin de la rencontre (ou de la conférence, du congrès, du banquet, du sommet, du match, du concert...) et ils quittèrent la table. Furieux, les oiseaux qui s’attendaient à être invi­tés à partager les miettes du festin s’abattirent sur eux et leur crevèrent les yeux.

Depuis les princes, dispersés, solitaires, errent par le monde, trébuchant sur les cailloux des chemins, s’engluant dans la boue des marais, chutant lourdement dans les fossés (ou bien manquant à tout moment de se faire écraser par une automobile, s’égarant dans les halls des gares et des aérogares...),ils marchent bras tendus devant eux, parfois ils se croisent sans se voir, se butent l’un contre l’autre : « Es-tu mon frère ? Es-tu mon frère ?... »

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                                                                           Patrick Williams

 

http://www.allumesdujazz.com/Journal_Tous_les_numeros/articles/Le_journal_n_23_365


[1] Silvia, à Iulia Hasdeu, “Les Zlatari, entre ghettoïsation de la misère et identité de patrons. Réflexion sur l’or rom », Etudes Tsiganes n°38, 2009, (Roms de Roumanie, la diversité méconnue).

Illustrations Jazzi couverture du journal n° 27, Sylvie Fontaine, Johan de Moor, photos Guy Le Querrec

 

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